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La Septième Parole (2ème partie): regard et fantasmes

L'adultère dépasse la relation de couple. C'est d'abord et avant tout une trahison envers D.ieu, et envers soi-même.
L'adultère et ses conséquences nous invitent à repenser la notion de Tsniouth, de pudeur...
 

2. SENS ÉLARGI DE CE COMMANDEMENT

 

Approfondissement de la notion d'adultère

 
La base de l'adultère et de ses répercussions, c'est « convoiter », poser son regard sur ce qui n'est pas à soi, regarder «ailleurs », au lieu de regarder « chez soi ».
Après cette première partie, où nous avons voulu montrer la gravité de cette faute, nous pouvons citer le Talmud (Sota 9a) :
« La femme infidèle a eu envie de quelqu'un qui lui était interdit ; ce qu'elle voulait, on ne le lui donne pas (l'amant lui est interdit en mariage même après le divorce, comme vu plus haut) et ce qu'elle avait, on le lui enlève (elle n'a pas le droit de rester avec son mari) ... Il en est de même pour celui qui convoite ce qui n'est pas à lui ; ce qu'il convoite, il ne l'aura pas et ce qu'il possède, il le perdra ». 
Il apparaît donc que la base de cette transgression et de ses répercussions, c'est « convoiter », poser son regard sur ce qui n'est pas à soi, regarder «ailleurs », au lieu de regarder « chez soi ».
Il est intéressant, à ce niveau de remarquer ce que nos Maîtres disent :
« Un homme (ou une femme) ne transgresserait pas un interdit si ce n'était qu' un vent de folie s'est emparé de lui. » (Sota 3a)
La racine Sota (l'infidèle) est rapprochée de chota la folle, l'insensée. Par ailleurs, le Talmud (Haguigah 4a) dans sa définition légale du statut de l'insensé pour ce qui concerne des actes juridiques, ou de l'état-civil dit : « Un insensé (choté) est celui qui perd tout ce que l'on lui donne. »
 Celui qui n'a pas assez de réflexion pour veiller à ses affaires, celui qui n'a pas le sens de la propriété, n'est pas apte à participer à la vie civile, à un jugement, à un témoignage et d'une façon générale est exclu d'un grand nombre de mitsvoth.
 La femme qui va tromper son mari a eu ce «vent de folie» et c'est justement cela qui va lui faire perdre ce qu'elle possède, son propre mari, pour une tentation qui n'est qu'une illusion de bonheur et qu'elle n'arrivera pas à s'approprier. La femme trompe son mari, mais elle se trompe aussi elle-même.
Cette idée se retrouve pour l'adultère de l'homme où la convoitise, aussi, n'est que tromperie et illusion. Pour illustrer cela, nous voyons un cas très intéressant à la fin du traîté Nedarim (91b) :
« Il est arrivé une fois qu'un homme soupçonné d'adultère a rendu visite à une femme mariée, chez elle. Sur cela, le mari arrive. L'homme s'enfuit et se cache dans un grenier où il y avait des fruits mis à sécher. De sa cachette, l'intrus voit un serpent goûter à ces fruits et y laisser du venin empoisonné. Peu après, le mari entre dans le grenier pour se servir des fruits. A ce moment là, le « visiteur » sort de sa cachette et lui crie : n'en mange pas, c'est empoisonné ! (On imagine l'étonnement et la colère du mari !)
Ensuite, le mari va demander à Rava (un des plus célèbres maîtres du Talmud) si sa femme lui est encore permise ou si elle est interdite car s'il y a eu adultère, il n'a pas le droit de la garder et doit divorcer. Rava lui répondit : « Ta femme t'est permise, car si cet homme avait fait adultère, il t'aurait laissé manger et mourir afin de prendre ta femme et d'être tout à loisir avec elle ; ainsi que dit le verset (Ezechiel 23) : «Ils se sont débauchés et ils ont du sang sur leurs mains». Sur cette phrase de Rava, le Talmud continue : «Quelle est vraiment la nouveauté de cet enseignement ? » (c'est-à-dire, n'est-ce pas évident à partir du verset) et on répond : «On aurait pu penser que cet homme a fait vraiment la faute, et que s'il a sauvé le mari, c'est peut-être parce qu'il préfère le goût du "fruit défendu ", de l'interdit, comme dit le proverbe (Prov. 19) : «L'eau volée est plus douce et le pain mangé en cachette est meilleur».
 Il préférerait donc rester en situation illicite, car cela a meilleur goût ! C'est là que vient l'enseignement de Rava pour nous dire : l'amant d'une femme mariée, trouve l'eau volée plus douce, sans en être conscient. Ce qui l'attire chez cette femme, c'est justement le fait qu'elle lui soit interdite, mais de ce point, il n'est pas conscient. 
C'est parce que c'est la femme de l’autre qu'il la convoite, et non parce qu'il l'aime pour elle-même, bien qu'elle soit la femme d'un autre. Il pense qu'il y a amour, en vérité, il n'y a que convoitise. Toute son attirance n'est que le fruit d'une illusion, c’est l'attirance de l'interdit, mais il n'en est pas conscient, car s'il l'était, il ne convoiterait pas : si le visiteur a sauvé la vie du mari, c'est qu'il n'a pas encore fait adultère, car s'il y avait eu acte, il aurait été prêt à avoir du « sang sur les mains ».
Rava nous enseigne que, d'après lui, il est peu probable qu'il sauve la vie du mari, exprès pour garder le goût de l'eau volée, car en général, il n'en est pas conscient. (Cf le commentaire du Roch ad loc) Le voleur ne sait pas que ce qu'il trouve doux, c'est le goût du vol et non le goût de l'eau. Il est attiré plus par le vol que par l'eau. Celui qui trompe se trompe lui-même.
Ce passage est commenté par Rav E. Dessler (grand Maître contemporain) (Mikhtav Me-Eliahou 1, 42) qui ajoute:
« Celui qui convoite croit que le bonheur viendra quand il aura cet objet ou cet être désiré. S'il comprenait qu'il est le jouet d'une illusion, que c'est uniquement parce qu'il ne l'a pas, qu'il le convoite, et non parce qu'il le veut vraiment, alors, peut-être n'en aurait-il même plus envie. Le Désir n'est souvent qu'une illusion et non pas un besoin. »
 

La colère de D.ieu

 
Ce qui précède va nous conduire à voir le «sens élargi» de ce Commandement, tel que nos maîtres l'ont expliqué dans le Midrach Hagadol sur Parachath Yithro.
« Ne commets pas d'adultère et ne laisses pas venir la colère divine dans le monde ». (Cette déduction est basée sur le mot "Tineaf" -adultère, mais peut être interprété: Tin-af -tu provoques la colère=af) 
 Nous voyons 'Harone-Af Hachem - la colère de Dieu - aussi pour l'idolâtrie (cf. verset du Chéma, 2ème paragraphe) que l'on peut traduire: « Quand après avoir été rassasiés et comblés, vous vous détournerez pour chercher d'autres satisfactions, des dieux étrangers, cela enflammera la colère de l'Eternel ». Nous comprenons ainsi facilement ce parallèle que fait le Midrach lorsqu'il met en relation le premier commandement et le sixième. Le premier commandement est mis en face du sixième, (tu ne tueras point) de même le deuxième (tu n'auras d'autres divinités) est en face du septième commandement (tu ne commettras pas d'adultère).
 Pourquoi cette faute, d’adultère plus que le meurtre ou le vol, provoque-t-elle plus particulièrement la « colère divine » ? Nous retrouvons la même idée dans le Midrach : « Ne commets pas d'adultère: un homme ne doit pas irriter son Créateur, et il ne doit pas le fatiguer par ses mauvaises actions, il ne doit pas penser à une autre femme, ni regarder les femmes ; et s'il va pour se purifier (s'il fait des efforts dans le sens de la purification de ses actes et de ses pensées) le Ciel l'aidera et le Saint béni, Lui-même, se liera à lui pour le sanctifier, et ne laissera plus le mauvais penchant le dominer ».
 « Fatiguer », « lasser son créateur », peut se comprendre comme il est dit par ailleurs dans le traité Avodah Zara 54b : « Vous me lassez en m'obligeant à donner une vie à un Mamzer, fruit d'une union interdite ».
 Cette idée de la « colère divine » qui s'enflamme à cause de la débauche, se trouve, aussi à propos de Bil'am, qui a su provoquer la « colère divine » contre le peuple d'Israël en envoyant les Midianites pour le séduire.
Non seulement l'adultère, mais aussi la débauche et même le manque de pudeur en général, sont des conduites qui empêchent la Chekhina de résider dans le monde.  
La colère est une attitude d'emportement qui se produit quand un individu se trouve devant une situation qu'il ne peut pas supporter car elle est totalement opposée à sa façon de voir, ou à tout son être.
 Quand quelque chose nous irrite ou nous vexe, s'il y a une mise en cause totale de notre position, si tout notre idéal en est touché, il peut y avoir déclenchement de colère. Quand nos Sages nous disent: « Ceci met D.ieu en colère », cela signifie que cette faute comporte une dimension qui est totalement opposée au Saint Béni Soit-Il, à Sa résidence dans le monde (Chekhina).
 Nous voyons dans la Torah que, non seulement l'adultère, mais aussi la débauche et même le manque de pudeur en général, sont des conduites qui empêchent la Chekhina de résider dans le monde. 
 Un exemple (Deut. 23, 15):
 « S'il se trouve parmi toi une chose impudique, la présence de D.ieu s'éloignerait de toi et Il ne pourrait te livrer tes ennemis (dans ta main). »
 Dire que telle attitude vestimentaire empêche la Chekhina de résider dans ton camp, et Sa présence s'éloignerait, signifie qu'il y a là une incompatibilité fondamentale qui peut provoquer la colère.
 

Une nouvelle approche de la Tsniouth (pudeur)

 
On peut aussi voir dans ce texte que l'idée de pudeur n'est pas liée uniquement à la relation homme-femme, mais implique, en quelque sorte, la Chekhina (présence divine), elle-même. C'est pourquoi, on trouve dans certains ouvrages, en particulier dans le Shlah Hakadoch (grand maître du 17è siècle), que la notion de pudeur est un « besoin d'En haut ».
Nous retrouvons, ici, ce que nous avons traité plus haut, à propos de la faute de l'adultère, qui n'était pas seulement une infidélité entre le mari et la femme, mais aussi une faute par rapport à D.ieu, un « besoin d'En haut ».
La pudeur n'est pas seulement une convention vestimentaire pour que les femmes ne provoquent pas les hommes, ou bien que les hommes ne soient pas choqués ou agressés (ou vice-versa), mais il y a un élément qui dépasse ce niveau et qui concerne la présence divine elle-même dans le Monde.
C'est ainsi, que l'on peut comprendre ce que nous dit le Midrach Rabba (fin de parachath Aharei Moth) :
« Rabbi Menashia disait: Tout celui à qui apparaît une chose impudique et qui ne la regarde pas méritera de pouvoir accueillir la face de la Chekhinah ».
Nous pouvons donc dire que la formulation Lo Tineaf (de notre Septième Commandement), que le Midrach élargit en disant « ne fais pas venir la colère de D.ieu» signifie « ne fais pas des actes impudiques qui éloigneraient ou empêcheraient la présence divine de résider dans le monde ». Il y a une telle volonté de cette Présence Divine de résider dans le Monde, que l'en empêcher provoque une "colère" du Ciel.
L'interdit du Lo Tineaf ne se limite pas à l'adultère mais englobe aussi l'adultère des yeux comme dit le Midrach Vayikra Rabba 23, 12: « Celui qui fait l'adultère avec ses yeux, commet aussi un adultère ». Le fait de regarder la femme de son prochain, est assimilé à l'adultère du regard. Quelle est la raison d'une telle gravité des fautes liées au regard ?
Maimonide dans Hilkhoth Téchouvah 4, 4:nous enseigne: « Celui qui regarde des femmes interdites commet une faute de laquelle il est difficile de se repentir » Il s'imagine, en effet, n'avoir pas fauté en se disant : ai-je eu des rapports avec elles, les ai-je approchées ? Mais, il ignore que par le regard également, on commet un grave péché, en soi, qui conduit à l'acte immoral lui-même, comme il est écrit: « Ne vous égarez pas à la suite de vos yeux... » (Nomb. 15, 39).
Le Maharal, nous explique que ce n'est pas uniquement parce que cela conduit à la faute, mais qu'il y a une autre notion plus profonde « Si nous n'avions pas reçu la Torah, nous aurions appris la Tsni'outh (pudeur) du chat ». Si cela peut exister chez un animal, ce n'est donc pas une convention de la Société, mais un absolu du monde.(Netivoth Olam, Netiv Hatsni'outh, ch. 3.)
Ceci nous conduit à expliquer la notion de pudeur, qui est mal comprise à notre époque, à cause de l'évolution des moeurs.
Le mot, lui-même, évoque parfois, dans l'idée de certains une conduite «vieillotte» proche de l'hypocrisie. Ou encore, on pense à des tabous, à des lois ne provoquant que des complexes, ou une exclusion des femmes de la société.
Notre civilisation croit avoir fait un progrès, être plus « moderne », être devenue plus «mûre» en s'étant affranchie de ces lois de la pudeur qui lui semblent démodées, tout juste bonnes pour les enfants et les simples d'esprit.
Pour bien comprendre, commençons par le début : quand le Na'hach, « le serpent originel » est venu vers Eve pour l'inciter à manger du fruit défendu, Rachi nous explique (Gen. 3, 1) :
« Quelle est la cause qui a provoqué que le Na'hach a "sauté" sur eux, Adam et Eve (les a attaqués) ? Il les a vu ensemble, occupés à leur intimité, sans gêne, aux yeux de tous (c'est-à-dire de tous les animaux) et il en a convoité Eve ».
Le Midrach ajoute: « Il voulait soit que Adam mange et meure, soit qu'il se dispute avec Eve et la répudie et de toutes les façons, il la prendrait pour lui » (c'est le premier adultère).
Le « serpent » est à l'origine du mal, du désir, de la faute. En principe, Adam et Eve n'avaient pas à se gêner, le concept de Tsni'outh (pudeur) n'avait pas sa place avant la faute, ce n'est qu'après avoir mangé de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal qu'ils auront le Sentiment de Nudité et, qu'ils se couvriront de feuilles de figuier (Gen. 3).
Or, il ressort de ce texte que bien avant la faute, il y avait, tout de même, une idée de pudeur.
En effet, l'intimité véhicule une intensité, une intériorité qui, par nature, est détruite en s'extériorisant. Quand Adam et Eve vivent (cf le Sforno qui explique que « le serpent représente la force de l'imagination ». Cela rejoint l'idée que la convoitise n'est en fait qu'une illusion.) cette intensité sans précautions (cf. Rachi : « Ils ont agit sans Tsni'outh »), c'est cela même qui fait venir le Na'hach (le serpent), celui qui va leur « sauter » dessus. 
Cette conduite appelle la menace de destruction de l'intensité intérieure, par le seul fait de son dévoilement. Un peu comme celui qui dirait: « Regardez moi bien, admirez tous ma grande humilité ! La Tsni'outh (discrétion) est le seul moyen de préserver toute la richesse du monde spirituel, même quand celui-ci entre en contact avec le monde matériel » (Rav Ch. Wolbe, Alei Chour Vol. 1 p. 336). 
Le verset dit également: « La sagesse se retrouve chez les gens discrets. » (Prov. 1, 2)
 

Les deux sortes de Tsniouth

 
Cette pudeur d'avant la faute n'a rien d'une honte. On la retrouve dans Rachi (Ki Tissa Ex. 34, 3) quand il dit que les deuxièmes Tables de la Loi ont été données avec Tsni'outh pour qu'elles ne soient pas détruites comme les premières. Elle est valorisante.
Elle n'est pas limitée aux relations entre hommes et femmes, elle est la seule façon de ne pas détériorer la dimension intérieure, la spiritualité des êtres, des objets ou des actes. C'est la publicité donnée autour du don des premières Tables de la Loi qui a causé leur perte.
Cette nouvelle approche de la notion de Tsni'outh (pudeur), nous permet de mieux comprendre certaines lois, en particulier celles de la Tsni'outh des cheveux.
D'après la Torah, les cheveux de la femme mariée doivent être couverts, et ceux de la femme soupçonnée d'adultère, la Sota, sont découverts en public (Nomb. 5, 18). C'est parce que les cheveux expriment une dimension féminine intime de l'épouse qui ne concerne qu'elle et son mari, et la Sota a brisé cette intimité (cf. Zohar Berechit 19b et Vayikra 19a : « Quand Adam et Hava étaient ensemble, « Lilith » a convoité leur beauté et Ha-Qadoch Baroukh Hou l'a chassée mais elle est revenue (vers Adam) après la faute... ». Dans ces textes, c'est bien Adam qui a une relation « autre » et non 'Hava. Le dévoilement provoque l'adultère d'Adam avec « Lilith » (On pourrait traduire Lilith par la « créature spirituelle de l'illusion de la nuit. »)  cf. Dérekh Mitsvotekha, Habad, Mitsva du Nazir.
C'est parce qu'elle se couvrait les cheveux que Qim'hit a eu des enfants Cohanim Guedolim (Grands Prêtres) (cf. Maharal, Netiv Hatsni'outh ch. 3), et c'est parce qu'elle a eu le sens de ce qui est intime qu'elle aura des enfants, comme le Cohen Gadol (Grand Prêtre) qui rentre dans le Qodech Haqodachim (le Saint des Saints) à l'endroit le plus intime du monde, à Yom Kippour, en intimité avec son créateur. 
C'est la détérioration de la dimension intérieure qui cause l'impureté dans l'adultère.
Et, c'est pour cette raison, que l'on doit découvrir les cheveux de la femme Sota, car elle s'est détournée du principe de la Tsni'outh, de l'intimité. C'est pourquoi, elle est appelée Teméah (impure), avant même que l'on sache si elle a réellement fauté. Car, c'est cette détérioration de la dimension intérieure qui cause l'impureté dans l'adultère (Chem Michemouel, Nasso 1914).
 
Quant à la Tsni'outh « d'après le 'Heth » (les lois de la pudeur qui sont venues après la faute d'Adam et Eve), elle concerne uniquement la relation homme - femme, la pudeur que l'un doit avoir pour l'autre.
Il est intéressant de remarquer comment Abraham et Sarah se conduisaient. La Torah nous enseigne qu'avant d'arriver en Egypte, Abraham a dit: « Maintenant, je vois que tu es belle » (Gen. 12, 1 1). Et, Rachi explique: « Jusqu'à ce jour, il ne s'en était pas rendu compte ».
Abraham et Sarah se conduisaient avec tant de discrétion, qu'il ne s'était pas rendu compte de la beauté de sa femme ; maintenant en arrivant en Egypte, ils ont dû traverser une rivière et apercevant le reflet de Sarah dans l'eau, il s'est rendu compte de sa beauté (Siftei Hakhamim).
Comment pouvons-nous imaginer un homme marié, pendant de longues années (il a 75 ans) qui n'a pas remarqué la beauté de sa femme ? Il semblerait qu'on trouve ici la définition de la Tsni'outh. Regarder quelqu'un, le dévisager, c'est un peu lui prendre quelque chose, regarder la beauté de sa femme, ce serait prendre sans donner. Jouir d'autrui gratuitement, profiter sans que l'autre puisse se défendre.
Cette façon de voir, pour Abraham, l'Homme du 'Hessed, de la générosité, est inconcevable. La Tsni'outh vestimentaire existe pour que le lien entre l'homme et la femme soit un lien de don, un pour-autrui et non un pour-soi. Ce n'est qu'après le péché originel que le Yetser Hara', le mauvais penchant, a pris une importance telle, que tout dévoilement du corps peut provoquer un pour-soi. Le but de la Pudeur « d'après le 'Heth » est de rétablir la pureté du 'Hessed, du pour-autrui.
 

Les autres formes d'adultère

La Tsni'outh, c'est donc préserver la dimension de l'intimité et sauvegarder le pour-autrui. Le manque de pudeur provient d'une envie d'apparaître et de voir.  
C'est peut-être là, une autre signification du Midrach cité précédemment : « Un adultère du regard est aussi appelé adultère » car regarder, c'est « prendre » ce qui est à l'autre.
La Tsni'outh, c'est donc préserver la dimension de l'intimité et sauvegarder le pour-autrui. Le manque de pudeur provient d'une envie d'apparaître et de voir. 
Les lois de la Tsni'outh de la femme, semblent brimer la femme dans sa liberté de s'habiller ou de se conduire. Mais en réalité le manque de pudeur provient d'une envie d'apparaître. De même qu'il peut y avoir chez l'homme une envie de voir qui est une forme de pour-soi, une envie de prendre, de même il peut y avoir chez la femme une envie de liberté d'apparaître. 
Mais il y a là qu'illusion de liberté car être l'objet du regard de l'autre, d'un pour-soi de l'autre n'est pas une liberté. Il n'y a liberté et bonheur que si le regard de l'autre est un réel pour autrui, un regard de respect et non un regard qui aliène. 
La Echeth 'Hayil (l'épouse vertueuse) attache plus d'importance à son Etre qu'à son Paraître alors que la Ichah Ra'ah (la femme mauvaise), cf. Prov. ch. 1, n'a d'intérêt que pour son apparence, et n'arrivera pas à trouver sa véritable identité, ni le bonheur.
 
 Après l'adultère du regard, le Talmud évoque aussi l'adultère de la pensée. Dans Nedarim 20b, nos maîtres nous enseignent : « Il ne devra pas penser à une autre femme pendant l'intimité conjugale car ses enfants seraient presque des Mamzerim (adultérins) (cf. Roch) car tout celui qui boit dans une verre et qui pense au verre de l'autre, commet un acte qui touche à l'adultère et ses enfants seront presque des Mamzerim » (Chitah Mékoubetset).
Ce texte semble, à priori, exagérer car il n'y a, en fait, que tromperie par la pensée, et cet homme reste fidèle (légalement) à son épouse. Mais en réalité, s'il voit son bonheur ailleurs, tout en restant avec sa femme, il y a déjà perte de toute intériorité dans leur relation, ceci explique la formule que ses enfants seront presque des Mamzerim !
Nous retrouvons l'idée de l'adultère qui est de rechercher à l'extérieur un bien qui se trouve chez soi, et que l'on ne voit pas.
 

Conclusion

 
Croire que le bonheur est à l'extérieur de nous, dans le verre de l'autre, dans des possessions que nous n'avons pas, dans des richesses qui ne nous correspondent pas, dans un « Avoir » et non pas dans un « Etre », dans un futur, toujours plus loin, plutôt que dans un présent, c'est l'image même de l'illusion (cf. le Sforno sur le serpent = la force de l'illusion).
 
C'est le mensonge le plus profond, et c'est cela qui est fondamentalement l'opposé de la Torah. C'est cela que signifie « déclencher la colère de Dieu ».
 
 

3. QUEL EST LE MESSAGE POSITIF DE CET INTERDIT ?

 
L'homme qui vit selon la Torah recherche une conduite qui sera le Tiqoun (l'arrangement, l'antidote) à cet interdit. Lo Tineaf comporte une Toumeah (impureté), quel en est le remède ?
L’opposé de la Toumeah est la Qedouchah (sainteté) et, plus particulièrement, l'opposé de l'adultère est la Qedouchah qui vient grâce à l'étude de la Torah.
Quand nous parlons de l'étude nous ne pensons pas uniquement à une acquisition de connaissances, comme celle qui viendrait en lisant un livre, mais nous voulons parler de l'étude de la Loi orale, à la façon dont elle est étudiée dans les yéchivoth.
C'est une activité intellectuelle qui donne un plaisir, une jouissance, qui conduit à l'amour de Dieu, comme nous l'enseigne Maimonide.
« La Mitsvah d'aimer l'Eternel est de réfléchir à ses mitsvoth, ses paroles et ses actions, et de jouir de cette compréhension de la jouissance la plus grande qui soit, c'est cela l'amour de D.ieu qui nous est imposé » car l'amour de D.ieu, c'est l'Amour de l'étude de la Torah". Ceci est l'opposé de l'adultère et de la débauche en général. Car, dans la jouissance spirituelle de l’etude, l'homme contrebalance son attirance pour les jouissances matérielles, par la valorisation de l'intériorité comme nous l'avons étudiée auparavant.
C'est ainsi, que le Maharal de Prague (Dérekh Ha'Hayim 8 1) explique la Michna de Pirqei Avoth (ch. 1) :
« Simon le Juste disait: le monde repose sur trois choses: sur l'étude de la Torah, sur le culte (culte des sacrifices, puis prières) et sur l'entraide (l'amour du prochain) ».
Ces trois bases du Monde sont parallèles aux trois fautes capitales, pour lesquelles, il vaut mieux périr plutôt que de les transgresser et qui sont : le crime, la débauche (ou l'adultère) et l'idolâtrie (Sanhédrin 74a).
Le Maharal explique que chacune de ces fautes représente un paroxysme dans un domaine particulier.
Dans la relation de l'homme avec D.ieu, l'idolâtrie est la faute capitale, son opposé est bien sûr le culte divin. Entre l'homme et son prochain, le pire est le meurtre et son opposé est l'entraide, l'amour du prochain
Le troisième pilier, c'est l'Homme vis-à-vis de lui-même : le comble de la dégradation, c'est la débauche et son contraire est l'Etude de la Torah. Dans la débauche, l'homme se conduit comme un animal (Maharal p. 26). Son opposé est la sanctification de ce qui est spécifiquement humain.
L'étude de la Torah est l'activité la plus élevée de l'espèce humaine (introduction au Guevouroth Hachem du Maharal). Il en ressort que les relations interdites sont avant tout des fautes vis-à-vis de l'individu lui-même et accessoirement par rapport au partenaire.
 

Le Tiqoun des temps futurs

 
Les passages du Midrach qui évoquent ce Tiqoun sont nombreux.
Par exemple, à la fin de Parachath Balak, il nous est enseigné dans la Torah que la génération du désert s'est débauchée avec les Midianites à Chittim. C'était l'idée de Bil'am afin d'attirer la colère Divine sur les hébreux. Et, le Midrach conclut avec ce verset de Yoël (IV, 18) : 
« Aux temps futurs, quand sera reconstruit le Temple, un fleuve sortira de la maison de D.ieu pour abreuver le torrent de Chittim ». Cela signifie, que l'instinct n'aura plus sa source dans le mal, mais c'est de la maison de sainteté que sortira ce qui abreuvera l'instinct.
Le manque de pudeur et d'autres formes de laxisme de notre époque ne sont que des palliatifs à une profonde insatisfaction de l'homme vis-à-vis de lui-même, mais plus cette soif est profonde, plus la possibilité de recevoir la Torah est, elle aussi, profonde. Comme on voit dans le Midrach (les interdictions sexuelles sont dans la Paracha Qédochim, alors que les lois concernant le viol et la séduction abusive sont dans la Paracha Michpatim. Cette distinction n'est pas fortuite. Cela rejoint l'idée vue plus haut « l'absolu du Lo Tineaf »):
« L'homme passionné doit savoir que cette passion le qualifie pour recevoir la Torah ». (Tsidqath hatsadiq Ch. 44 et ch. 151)
Les fantasmes de celui qui recherche le plaisir ne le satisferont jamais car ils ne sont qu'illusions et le seul apaisement sera par la Torah (comme dit le verset (Deut. 30 14) « Car la Parole (de la Torah) est très proche de toi, elle est dans ton intérieur»), comme disent nos Sages:
« Il y a un petit membre dans l'homme, plus on le rassasie, plus il a faim, mais si on l'affame, alors il est rassasié ». (Souccah 52b)
La solution au problème individuel de l'homme apportera une solution aux problèmes collectifs. C'est par l'étude de la Torah que le peuple juif et, par voie de conséquence, toute notre société, retrouvera son équilibre et l'appréciation de la richesse de l'intériorité.
 Ce Septième Commandement nous a fait apparaître que le mariage et sa fidélité ne sont pas de simples conventions sociales mais impliquent le troisième associé comme disent nos Maïtres : « Il y a trois associés dans l'Homme : le père, la mère et D.ieu » (Nidah 3 la).
Ainsi peut-on aussi comprendre la septième place de cette loi, car le chiffre sept évoque le Chabbath, le chiffre de la Qedouchah (la Sainteté).
 
 
 
 
 
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Ephraïm KLAPISCH
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