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L’interdiction de manger du porc : mauvaise foi et autres cochonneries

A tromper autrui, l’on risque de se duper soi-même.
Pierre Turgeon
La Torah interdit la consommation d’animaux n’ayant pas les sabots fendus et ne ruminant pas (les deux critères sont exigés). Après avoir énoncé les règles en question, le texte biblique prend la peine de lister quelques cas ambigus d’animaux interdits mais répondant toutefois à l’un des critères : le chameau rumine mais n’a pas les sabots fendus. Le porc ne rumine pas mais il a, en revanche, les sabots fendus. C’est ce dernier et sa particularité (il possède l’un des deux critères mais reste prohibé) que nous souhaitons évoquer. En effet, même chez des juifs relativement éloignés de la pratique religieuse, le refus de consommer du porc reste généralement la norme, comme rituel emblématique les reliant au peuple Juif.
 

Tout n’est pas bon dans le cochon...

Le porc est l’emblème de la dichotomie être/paraître et du « bluff ».
Les maîtres de la tradition se montrent très sévères à l’égard du cochon, du fait qu’il est le symbole de la mauvaise foi, de la duperie et de l’artifice. En effet, quand il se tient debout, le porc met ses pattes en avant « pour nous faire croire qu’il est cacher » (car les sabots fendus sont un signe extérieur) alors qu’à l’intérieur (la rumination), il est loin du compte... Le porc est donc l’emblème de la dichotomie être/paraître et du « bluff » de celui qui fait croire à son entourage qu’il est juste et droit alors que ses apparences trompeuses cachent un être bien moins exemplaire.

Cette supercherie est d’autant plus grave quand ce sont des signes de piété et une pseudo  religiosité qui sont mis en avant (comme les sabots fendus) à l’image d’une façade cachant un terrain vide.

Le troisième commandement du décalogue nous met en garde : « Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain » (Exode, 20, 6). Dans un commentaire célèbre, Rabbi ‘Haïm Benattar (1696-1743, auteur du Or Ha’Haïm ) propose la lecture suivante liée au fait que dans le verset l’expression « tu ne prononceras » peut aussi se comprendre « tu ne porteras pas », autrement dit : Ne porte pas le nom de Dieu abusivement, ne te pare pas de son nom de manière hypocrite en donnant de toi une image de sainteté ou de sagesse (« le nom de Dieu ») qui ne correspond pas à la réalité (« en vain »).
 

Les fourberies d’Esaü

Dans le récit biblique, il y a une figure incarnant cette mauvaise foi : celle d’Esaü, le jumeau de Jacob (père fondateur du peuple d’Israël). On sait que son père Isaac était aveugle, ce qui est à prendre au sens propre comme au sens figuré. Le père était en effet aveugle quant à la droiture feinte de son fils qu’il préférait même à Jacob. Le Midrash raconte en effet, outre le fait qu’en bon chasseur il apportait régulièrement du gibier au foyer paternel, qu’il interrogeait souvent son père sur des questions religieuses dont, en vérité, il n’avait que faire. Comme le porc, « il mettait en avant ses sabots fendus » en prenant l’apparence d’un fils exemplaire tout en cachant à son père ses actions sanguinaires (Esaü était un brigand et un meurtrier) et sa nature perverse. « Si Esaü vivait de nos jours, disait le Rabbi de Kotzk, il aurait un grand chapeau, une grande barbe et de longues papillotes », c’est-à-dire tous les signes de piétés masquant pourtant la plus grande perversité et la plus infâme immoralité.

On ne sera pas donc pas étonné que la tradition juive utilise l’image du porc pour désigner le royaume d’Edom (qui donnera l’empire Romain) dont Esaü est l’ancêtre.
 

Bas les masques !

Mais sans tomber aussi bas qu’Esaü, nous sommes tous des comédiens dans notre vie sociale, donnant de nous une image souvent décalée par rapport à notre véritable identité. Le mot « personnalité», d’ailleurs, vient du latin « persona » qui signifie masque (comme ceux que portaient les acteurs dans le théâtre antique).

Lors de la fête de Pourim, tout le monde se déguise. Cet usage est parfois expliqué par l’absence du nom divin dans le texte du rouleau (méguila) d’Esther rappelant que la providence divine a épousé, lors des événements en question, le masque de la Nature (le miracle était « voilé »). Mais certains commentateurs considèrent que Pourim est l’occasion de réaliser que nous passons notre vie à porter un masque (les contemporains de Mardochée et Esther « faisaient les beaux » devant Assuérus tout en « ménageant » le Législateur suprême par une « pseudo » piété...).

Illustrons notre propos par une anecdote concernant Rabbi Yoël Teitelbaum (1887-1979, maître hassidique, rabbi de Satmar) : Dans de nombreuses communautés, il est de coutume lors de Pourim de faire des sketches et un acteur de talent imite, pour la plus grande joie des fidèles, le président, le rabbin ou d’autres figures importantes de la communauté. Une année, l’imitateur demanda respectueusement son autorisation au maître avant de le parodier. Le rabbin la lui donna sans hésiter. L’acteur si mit donc à mimer le Rav, imitant à la perfection sa manière de se balancer en priant et en étudiant, le ton se sa voix en priant avec ferveur, sa façon unique de lever les mains vers le Ciel etc... Tout le monde riait à gorge déployée, impressionné par la fidélité de l’imitation. Mais pour sa part, Rabbi Yoël pleurait. L’acteur s’en rendit compte et, très gêné il s’excusa auprès du maître de l’avoir vexé. Mais le sage répondit : « ça n’est pas de ta faute. Tu m’imites à la perfection... mais en t’observant je me suis demandé si moi-même, je ne passais pas mon temps à m’imiter, à faire semblant... ».

L’interdiction du consommer du porc véhicule donc en plus de la question alimentaire une leçon d’importance : celle de la cohérence et de l’honnêteté. Il ne faut pas se faire passer pour ce que l’on n’est pas et duper son entourage.


A PROPOS DE L'AUTEUR
Le Rav Amitaï ALLALI
Commissaire Général des Eclaireuses Eclaireurs Israélites de France (EEIF), avant de devenir conseiller pédagogique pour l’enseignement juif à l’école George Leven. Il a enseigné à l'Institut Universitaire Rachi de Troyes et a dirigé la Section Normale des Etudes Juives de l'A.I.U. (Alliance Israélite Universelle). Il a occupé des postes rabbiniques dans les communautés de Bordeaux et de Vincennes et est aujourd’hui conférencier à l’association LEV. Il est l’auteur de « La Tsédaka : Lois et commentaires sur les dons aux pauvres de Maïmonide » paru aux éditions Lichma en 2006, « Les trompettes d'argent » (Octobre 2008), "Leçons de diét-éthique" (2ème trimestre 2009), et "Les prophètes, les enfants et les fous" (1er trimestre 2010).
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