Une des questions auxquelles
il est le plus facile de répondre est
: «Quelle heure est-il ? » Une des plus difficiles est : « Qu’est-ce
que le temps? »
On mesure l’écoulement du temps en heures, en jours, en mois
et en années mais quelle est la réalité impalpable que
l’on détermine ? Un physicien répondrait que le temps est
la manière par laquelle on mesure la rotation et la révolution
des corps célestes.
La terre tourne aujourd’hui de la même façon qu’elle tournait hier. Mais aujourd’hui ne devrait pas être une simple répétition d’hier…
Mais alors que le mouvement
des planètes est circulaire, le sens humain
du temps est quant à lui linéaire. Au niveau physique, la terre
tourne aujourd’hui de la même façon qu’elle tournait
hier. Au niveau le plus profond, cependant, on sait qu’aujourd’hui
ne devrait pas être purement une répétition de la veille
et cette année une simple répétition de l’année
dernière. On comprend intuitivement que nos vies doivent se mouvoir
non pas en cercles mais en spirales, chaque rotation étant plus élevée
que la précédente.
On sait aussi que le temps
qui nous est imparti s’épuise et que
notre corps ne peut endurer qu’un certain nombre d’années
avant de périr. La relation que nous entretenons avec le temps et son écoulement
est également teintée par la connaissance subconsciente de notre
propre mortalité.
Le Arizal, le sage presque
légendaire de la Kabbale, faisait remarquer
que les rotations et les révolutions qui marquent physiquement le passage
du temps ont un parallèle spirituel. Chaque année est unique
du point de vue de son potentiel, comme l’est chaque mois, chaque jour,
chaque heure.
Par conséquent, aucune prière n’est jamais identique à une
autre. Une prière récitée cette année peut attirer
des forces spirituelles qui n’auraient pas pu l’être l’année
précédente ou jamais auparavant dans l’histoire. Placé sous
l’angle de sa constellation spéciale d’énergie, chaque
jour, chaque instant est doté de son propre cadeau qui est unique. Il
ne tient qu’à nous d’utiliser ce don ou de le repousser.
LE TEMPS, UN CHANGEMENT
Chana, « année » en hébreu, a la même racine que chinouï, qui signifie « changement ». « Mois » se dit en hébreu ‘hodech qui la même origine que ‘hadach, « nouveau ».
Les mots hébreux qui décrivent les durées renforcent
ce message. Chana, « année » en hébreu, a la même
racine que chinouï, qui signifie « changement ». « Mois » se
dit en hébreu ‘hodech qui la même origine que ‘hadach, « nouveau ».
Le temps qui passe est censé nous modifier à bien des égards.
Comment pouvons-nous développer une relation positive avec le temps
?
La sanctification du temps
qu’on accomplit au moyen du rituel appelé Roch ‘Hodech,
la nouvelle lune, est le tout premier commandement qui nous fut donné comme
nation. Ce commandement indique comment le Judaïsme se réfère
au temps.
Examinons tout d’abord le contexte historique de cette mitsva. A la
veille de l’Exode, les Juifs en Egypte furent prêts à entamer
leur vie en tant que nation. La leçon qu’ils avaient tirée
de l’esclavage était de ne jamais servir volontairement un maître
de chair et d’os et de ne pas tomber eux-mêmes dans le rôle
d’oppresseur. Ils virent également de grands miracles qui leur
révélèrent la présence de D.ieu, Son attachement à Son
peuple et Sa capacité de changer les lois de la nature.
Jusque là, les Juifs avaient été des passagers d’un
trajet qui n’était pas de leur propre choix. D.ieu leur donnait
maintenant un commandement qui devait les faire passer de la passivité à une
auto-définition active. Il leur fut ordonné de sanctifier le
temps.
SANCTIFICATION DU TEMPS
On procédait à la sanctification de la nouvelle lune, Roch ‘Hodech,
lorsque deux témoins affirmaient devant un jury de trois juges compétents
avoir aperçu le premier fragment du croissant de lune dans le ciel ;
les juges proclamaient alors le commencement du nouveau mois. Cette parcelle
de lune n’apparaît que la veille du vingt-neuvième ou du
trentième jour du mois. Si la lune n’avait pas été visible
(par exemple, à cause de nuages), c’était le trente et
unième jour du mois précédent qui était déclaré être
le premier jour du nouveau mois.
Cette loi comprend une
clause fascinante. Selon celle-ci, le mois ne commence pas tant que les juges
ne l’ont pas réellement proclamé.
Par exemple, si le trentième jour, à cause d’un retard,
les témoins ne peuvent arriver à l’heure ou bien les juges
se trouvent dans l’incapacité de recevoir leur témoignage
avant la tombée de la nuit, peu importe le nombre de personnes qui ont
vu la nouvelle lune : le nouveau mois ne débutera que le trente et unième
jour et non pas avant.
Ce n’est pas purement technique. Dans la perspective juive, le temps
n’est pas une réalité physique et mécanique, définie
par le mouvement des corps célestes. Sa définition en incombe
plutôt aux êtres humains, comme le proclame le tribunal juif. Cela
signifie que nous ne nous contentons pas seulement d’observer des changements
physiques dans le ciel ; en tant qu’êtres spirituels, nous avons
la responsabilité d’actualiser la sainteté potentielle
que D.ieu imprègne dans chaque moment.
Chaque fois que la lune
retrouve le soleil et reçoit une fois de plus
ses rayons, quelque chose de profond se produit. D.ieu veut que Son peuple
(représenté par les témoins et le tribunal) Le retrouve
et découvre de nouveau Sa lumière, bien que cette lumière
soit souvent obscurcie par des périodes d’obscurité et
de dissimulation spirituelle. Par conséquent, la nouvelle lune est un
temps de renaissance spirituelle et morale de notre moi intérieur.
MAZAL TOV ?
La Torah nous prescrit
de marcher avec D.ieu en toute simplicité et
de laisser le temps se dévoiler à Ses conditions.
Le flux de force spirituel
qui descend chaque mois est appelé mazal, ce qui veut dire littéralement « ce qui coule ». Le mazal du mois est en fait le canal par lequel on peut ressentir D.ieu.
Chacun des douze mois est
représenté par un signe astral qui
trace la carte de son mazal. Jadis, les astrologues étaient capables
de déchiffrer les signes du zodiaque comme de nos jours on lit une carte.
Bien entendu, le fait l’on puisse trouver Marseille sur une carte ne
veut pas dire qu’on a provoqué son existence. De même, l’information
fournie par l’astrologie ne peut, d’aucune manière, modifier
la réalité. Elle ne fait qu’en dresser la carte.
Un défaut intéressant spécifique de la nature humaine
est que l’on confond inconsciemment notre capacité de décrire
les choses avec notre capacité de les contrôler. L’astrologie,
c’est-à-dire l’aptitude à savoir d’après
la « carte » comment le mazal modifie notre vie, peut devenir un
mode de recherche tournant à l’obsession. La Torah nous prescrit
de marcher avec D.ieu en toute simplicité et de laisser le temps se
dévoiler à Ses conditions. Nous ne nous adonnons ni à l’astrologie,
ni à la pratique de dire la bonne aventure ni à aucun moyen illusoire
arrachant des mains de D.ieu le contrôle du temps en prédisant
ce que l’avenir va apporter.
Une approche complètement différente est de prendre conscience
de la nature spirituelle de chaque mois, afin non pas de le maîtriser
mais d’apprendre comment utiliser ces énergies.
Une façon de capter l’énergie unique de chaque mois est
au moyen de la célébration des fêtes juives. Celles-ci
ne sont pas censées commémorer des événements du
passé. Plus exactement, grâce à notre conscience du passé,
nous connaissons les forces à notre portée qu’il nous faut
employer afin que notre présent et notre futur soient adaptés
au plan de D.ieu se dévoilant de plus en plus.
Sept fêtes centrales sont mentionnées dans la Torah. Cela signifie
qu’elles font partie intégrante du projet divin de temps, mazal,
et du destin du monde. Dans la littérature mystique, les fêtes
sont qualifiées de « temps de ratson », ce qui veut dire
littéralement « volonté ». Ce sont des jours pendant
lesquels on peut voir la volonté divine, habituellement cachée,
beaucoup plus éclatante et beaucoup plus lumineuse que pendant n’importe
quelle autre période.
La Torah se réfère aux fêtes comme moadim, c’est-à-dire « temps
de rencontre » entre d’une part nous-mêmes et toutes nos
limites, et d’autre part D.ieu dans Son infinité inconnaissable.
Le pont que nous traversons afin de rencontrer D.ieu est construit par l’esprit
qui habite cette période particulière ainsi que par les événements
qui eurent lieu dans l’histoire et qui nous donnent ainsi un aperçu à la
fois sur le temps et sur le Créateur du temps.
Chaque fête est différente et irremplaçable. Les unes
comme les autres agissent comme des lampes qui nous permettent de voir bien
au-delà du flux et du reflux de l’existence.
Changer notre relation
au temps, c’est changer notre relation avec la
vie elle-même.
Traduction et adaptation de Claude Krasetzki