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Paracha / Exploration back  Retour

Cette parasha commence par les instructions données à Moshé, mais qui concernent en fait Aaron son frère, et tous ses descendants :

 

L'Eternel dit à Moïse : 'dis aux prêtres, les fils d'Aaron, et tu leur diras, "pour une personne (morte) il ne se rendra pas impur dans son peuple." [Levitique 21:1]

 

Ce verset contient une des lois caractéristiques concernant les "cohanim" : Un Cohen ne doit pas s'approcher d'un mort.

Parmi toutes les interdictions soulevées par la tradition juive, celle-ci semble bien connue, presque évidente. Ce n'est qu'en l'analysant, qu'elle nous paraît étrange. Pourquoi un Cohen ne serait-il pas autorisé à être en contact avec les morts ou la mort? Pourquoi cet interdit, apparemment si néfaste, ne concernerait-il pas tous les Juifs? Y a-t-il quelque chose de particulier dans le statut de Cohen qui rende un tel contact avec la mort incongru?


Des éléments de réponse à cette question peuvent être trouvés dans le verset qui précède immédiatement cette interdiction :

Un homme ou une femme chez qui il y aurait une évocation (nécromanciens) ou un sortilège (devins) devront être mis à mort. [Levitique 20:27]

Ce verset traite de la punition réservée aux pratiques "étrangères" qui sont connues comme étant "Ov" (spirites, nécromanciens) et "Yidé'oni" (médiums, devins), et qui impliquaient une "communication" avec les morts. C'est le troisième passage de la Torah où cette interdiction est mentionnée.

Sa proximité dans le texte avec l'interdiction pour le Cohen de s'approcher d'un mort souligne indéniablement une relation entre ces deux interdits.

La prohibition des pratiques de "Ov" et "Yidé'oni" est répétée à nouveau dans le livre du Deutéronome :

Quand tu arriveras dans le pays que l'Eternel ton D-ieu te donne, tu n'apprendras pas à faire selon les abonimations de ces peuples. Il ne sera pas trouvé chez toi quelqu'un qui fasse passer son fils et sa fille dans le feu, quelqu'un qui pratique la divination, qui consulte les présages, un devin et un sorcier. Ni de charmeur d'animaux ni de personne qui interroge un esprit (ov) et un médium (Yidé'oni) ni de personne qui consulte les morts. [Deutéronome 18:9-11]

Ainsi, "Ov" et "Yidé'oni" étaient une sorte de sorcellerie impliquant une communication avec les morts. Le Talmud (Sanhedrin 65b) explique qu'un crâne humain était utilisé dans le rite de "Ov".

 

L'ERREUR DU ROI SAUL
Le Roi Saül s'est servi de cette méthode pour essayer de communiquer avec le prophète Samuel, qui était déjà mort :

Samuel étant mort, tout Israël avait mené son deuil et l'avait enterré à Rama, sa ville. D'autre part, Saül avait fait disparaître du pays les nécromanciens et les devins. [I Samuel 28:3]

Puis le texte nous dit que les Philistins attaquèrent le peuple d'Israël, et que Saül prit peur. N'ayant plus le prophète Samuel à ses côtés, Saül ne savait vers qui se tourner pour demander conseil. Quand il vit que ses prières restèrent sans réponse, il se sentit frustré :

Alors Saül dit à ses serviteurs "cherchez-moi une nécromancienne, que j'aille la trouver et la consulter... Il (Saül) lui dit "fais pour moi l'opération magique et évoque-moi celui que je te désignerai. La femme demanda : "qui dois-je évoquer pour toi?" Il répondit : "Evoque-moi Samuel"..... Samuel dit à Saül : "Pourquoi me mets-tu en colère en me réveillant?"... Samuel reprit : "Pourquoi m'interroges-tu, alors que l'Eternel t'a abandonné pour ton rival. Oui, l'Eternel a agi pour lui comme il l'avait déclaré par mon organe : il t'a arraché la royauté et l'a donnée à ton rival, à David". [Samuel.I 28:7-17]

Dans ce passage pour le moins surprenant, le Roi Saül fait appel au service d'une nécromancienne ("Ov" et "Yidé'oni") et utilise ainsi une pratique interdite qui consiste à communiquer avec un mort, violant clairement la loi juive. Saül est puni et destitué de son Royaume.

Le verset dans Deuteronome cité plus haut conclut :

Quand tu arriveras dans le pays que l'Eternel ton D-ieu te donne, tu n'apprendras pas à faire selon les abonimations de ces peuples. Il ne sera pas trouvé chez toi... ni de personne qui interroge un spirite (ov) ou un devin (Yidé'oni) ni de personne qui consulte les morts. Car il est une abomination pour l'Eternel quiconque fait ces choses-là et à cause de ces abominations l'Eternel Ton D-ieu chasse ces nations de devant toi. Tu seras entier (tamim) avec l'Eternel Ton D-ieu. [Deutéronome 18:9-11]

Nous apprenons donc que l'antithèse de ces pratiques est d'être intègre avec D-ieu.
Le mot hébreu désignant "l'intégrité", Tamim ou Tam au singulier, exprime la plénitude, la totalité, mais peut avoir d'autres sens. Il désigne également "l'innocent" ou "le simplet". Ces mots ont souvent une connotation péjorative. Pourtant ici, D-ieu invite l'homme à avoir une confiance simple, innocente, et complète en Lui. En effet, c'est ce que signifie ne faire qu'un avec D-ieu.

Le doute, la peur, et la névrose conduisent l'homme à demander conseil aux spirites, médiums et autres devins, afin d'acquérir des certitudes comme en témoigne le comportement du Roi Saül.

Mais D-ieu invite l'homme à être entier dans sa confiance. Une telle confiance apporte bien plus que la sérénité; la confiance totale en D-ieu élève spirituellement et réconforte psychologiquement.

INNOCENCE PERDUE

Le Shem MiShmouel observe que la première fois où l'innocence a été perdue, ce fut dans le Jardin d'Eden. Adam et Eve, ne faisaient qu'un avec D-ieu, bénéficiant à chaque instant de Sa présence. Malheureusement, ils y ont renoncé pour un morceau de fruit, croyant qu'il leur permettrait d'accéder à la connaissance de D-ieu. L'introduction de la mort dans le monde en a été la conséquence.

La mort est l'opposé de l'innocence. Une fois que l'homme s'est séparé de D-ieu, la puissance de la Toumah, "impureté spirituelle" a trouvé une emprise.

En fait, le mot hébreu Tam "innocent", lu à l'envers donne Met "mort". Quand l'homme perd son innocence, il inverse et pervertit cette innocence naturelle, et le résultat qui en découle est inévitable, inexorable.

Le rôle du Cohen est d'unir l'homme à D-ieu au travers des sacrifices dont l'objectif est de rapprocher l'homme de D-ieu, et D-ieu de l'homme. (Le mot hébreu pour "sacrifice" est korbane dont la racine Léhakriv signifie "rapprocher"). La fonction du Cohen est d'apporter l'unité ou l'intégrité, de permettre un retour à l'état originel auquel Adam et Eve avaient renoncé.

Nous comprenons maintenant pourquoi le Cohen doit éviter tout contact avec la mort. Le cadavre représente la séparation du Divin de notre existence physique. La seule différence entre un cadavre et une personne vivante, c'est le souffle de D-ieu qui l'anime (la Néshama).

C'est là où le concept de spiritualité, selon le Judaïsme, diverge des rites "magiques" et des incantations païennes. Le Cohen évite la mort et recherche la perfection avec D-ieu par une confiance totale en Lui, tandis que les médiums et les nécromanciens, "Ov" et "Yidé'oni", utilisent la mort pour acquérir connaissances et certitudes.

PAIX ET INTÉGRITÉ

La personne désignée clairement par la Torah comme Tam, "innocente" ou "intègre", est Jacob :

" Et les enfants grandirent et Essav devint un homme qui savait chasser, un homme des champs, et Jacob était un homme intègre qui résidait dans les tentes." [Genèse 25:27]

Jacob, l'homme intègre qui passait son temps à étudier, par opposition à son frère jumeau Essav, le guerrier, qui vadrouillait dans les champs.

Par ailleurs, Jacob est qualifié également de "shalem", un autre mot en hébreu signifiant "complet - intègre" :

" Jacob arriva entier dans la ville de Shékhem qui est dans la terre de Canaan,..." [Genèse 33:18]

En d'autres termes, Jacob faisait un avec D-ieu. Tout ce dont il avait besoin, il pouvait le trouver dans "la tente d'étude", alors qu'Essav cherchait aventure et conquête.
Ce n'est donc pas un hasard, si nos Sages enseignent que la mort n'a pas touché Jacob (Ta'anit 5b).

Par ailleurs, le mot shalem, "complet" ou "intègre", est étroitement associé au mot shalom "paix". Une autre fonction d'Aaron, le Cohen par excellence, était de répandre la paix parmi les Juifs :

 

...Hillel dit : "soyez parmi les disciples d'Aaron, qui aimait la paix et recherchait la paix, qui aimait les créatures et les rapprochait de la Torah." [Avot 1:12]

 

Hillel soulignait que la fonction d'Aaron était, non seulement d'apporter l'unité entre l'homme et D-ieu, mais aussi et ce n'est pas moins important, d'apporter la paix entre l'homme et son prochain. L'unité et la paix sont entrelacées : elles sont les deux faces d'une même pièce.

Le Maharal enseigne que la paix est un attribut divin; elle émane de D-ieu et constitue un aspect de D-ieu Lui-même (page 215 de Nétivot Olam). Pour cette raison, un des noms de D-ieu est "Shalom."

Avot Dé Rabbi Natan décrit la méthode qu'utilisait Aaron pour rechercher la paix. S'il entendait parler de deux personnes qui avaient un différend, il disait à chacune d'elles, individuellement, que l'autre avait exprimé un fort désir de réconciliation. (Voir Avot Dé Rabbi Natan, Chapitre 12).

Cette méthode, certes bien intentionnée et efficace, nous dérange tout de même un peu. Elle impliquerait que la fin justifie les moyens. Mais cette méthode utilisée par Aaron devient moins problématique à la lumière d'un enseignement de Maïmonide.

Maïmonide, dans son ouvrage "Mishné Torah," explique la loi juive concernant le "Guète" -- acte de divorce --, et précise que celui-ci n'est valide que s'il est donné de plein gré par le mari. Néanmoins, s'il refuse d'accorder à son épouse l'acte de divorce, la cour de justice saisie de l'affaire, peut alors nommer des émissaires pour le contraindre (même physiquement) jusqu'à ce qu'il dise "j'accepte". (Voir Mishné Torah, Guéroushin 2:20)

Ceci semble contredire la loi qui stipule qu'un "Guète" obtenu sous la contrainte est invalide. Maïmonide poursuit et explique : une fois que la cour a décrété qu'un homme devait divorcer de son épouse, tout homme normal voudrait se conformer à cette décision de justice plutôt que de défier la décision de la cour. Par conséquent, s'il persiste et refuse, ce n'est pas l'homme qui a pris une telle décision mais plutôt son mauvais penchant qui l'incite à se comporter de la sorte. Par conséquent, la force physique peut être utilisée contre le mauvais penchant pour libérer cet homme qui veut, au fond de lui, prendre la bonne décision. Dans la philosophie de Maïmonide, un Juif veut toujours faire ce qui est droit. De temps en temps, les "circonstances," "l'égo" ou "l'honneur" peuvent l'influencer, mais ne changent pas sa vraie nature.

La compréhension d'Aaron concernant l'essence même de l'âme juive trouve un écho dans cet enseignement Maïmonidien. Aaron savait que deux personnes en conflit ont toujours, au fond d'elles, un espoir de réconciliation. Ce sont des éléments étrangers, le mauvais penchant dirait-on, qui les font dévier du chemin menant à la paix. Aaron recherchait la paix en rapprochant les personnes d'elles-mêmes, de leurs prochains, et de D-ieu.

Seul quelqu'un de complet, d'intègre, peut révéler l'intégrité qui se trouve en chacun. La fonction d'Aaron était de réconcilier l'homme avec D-ieu, et de réconcilier l'homme avec lui-même.

MOÏSE ET AARON Moïse et Aaron représentent deux aspects différents du dirigeant modèle. Moshé était un Maître de Torah. Il enseignait la vérité -- directe, claire, la vérité non altérée. Aaron recherchait la paix. La recherche de la paix semble parfois compromettre la vérité, mais les apparences sont trompeuses. La paix émane de D-ieu. La paix n'est ni un compromis ni une perversion de la vérité. C'est une expression du Divin, c'est un des Noms de D-ieu. La Vérité est un moyen de s'approcher de D-ieu, alors que la paix en est la destination. En réalité, la vérité et la paix travaillent ensemble, comme nous le voyons dans le verset des Psaumes :

 

La Bonté et la vérité se sont rencontrées; la justice et la paix s'embrassent. [Psaumes 85:11]

 

Le Midrash associe la bonté à Aaron et la vérité à Moïse; la Justice à Moïse et la paix à Aaron (Shémot Rabbah 5:10). Cela ne nous surprend pas.

Le psaume déclare qu'ils peuvent s'enlacer et s'embrasser, dans une expression d'harmonie et d'unité.

Moïse enseigne la Torah, la Vérité, et il représente la Justice. A ce niveau, la réalité ne peut connaître de distorsion. Aaron, quant à lui, opère dans la sphère de la pureté, tout en restant distant de la mort, et des déformations du péché. Ces deux royaumes ne sont pas en conflit. Ils se rencontrent, s'embrassent, et convergent dans un but ultime : unité, intégrité et paix. La vérité est l'un des moyens permettant d'atteindre ce but et d'amender le monde. La paix en est la résultante.


Aaron, l'archétype du Cohen, représente cette unité et cette intégrité, comme cela est si magnifiquement exprimé dans la bénédiction sacerdotale (Birkate Cohanim) :

 

Que l'Eternel te bénisse et te protège. Que l'Eternel éclaire Sa face vers toi et t'accorde la grâce. Que l'Eternel lève Sa face vers toi et mette sur toi la paix. [Nombres 6:24-26]

 



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Ari KAHN
Le rabbin Ari Kahn, un disciple de Rav Yossef Dov Soloveitchik, est diplômé de la Yeshiva University. Il se consacre actuellement à l’enseignement à Aish HaTora ainsi qu’à l’Université Bar Ilan, où il est Directeur des programmes pour étudiants étrangers. Il donne fréquemment des conférences aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud pour le compte de cette université et d’Aish HaTora.
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