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La Tragédie de Million Dollar BabyPeut-être que la véritable question n’est pas "comment venir en aide à ceux qui souhaitent mourir", mais plutôt "comment venir en aide à des gens comme Maggie pour qu’ils choisissent de vivre"...
Le film, Million Dollar Baby, qui a raflé plusieurs Oscars, aborde avec profondeur des thèmes comme la valeur personnelle et la valeur de la vie. Maggie Fitzgerald (Hillary Swank), une serveuse malchanceuse, persuade un entraîneur grincheux, prénommé Frankie Dunn (Clint Eastwood), de l’aider à devenir championne de boxe. Grâce à sa détermination, Maggie atteint les sommets du succès et est sur le pont de devenir championne du monde.

(Attention : si vous ne voulez pas connaître le dénouement de cette intrigue, arrêter de lire l’article.)

Brusquement, à la suite d’un accident, Maggie se retrouve paralysée; elle est incapable du moindre mouvement et sous respiration artificielle. Bien qu’en possession de toutes ses capacités mentales, elle ne trouve plus aucune raison de vivre.

Nous pouvons tous nous identifier à la souffrance de Maggie : la gloire était presque sienne et cet horrible retournement de situation ne lui laisse aucun espoir. Elle tente de se suicider, puis finit par persuader Frankie de l’aider à mourir.

Analysons ensemble les questions soulevées par ce film : Pourquoi une personne demande-t-elle à mourir et devons-nous accéder à sa requête ? Nous pensons généralement qu’une vie parfaitement autonome est une chose tout à fait naturelle et que c’est un principe éthique suprême qui doit faire plier toute autre considération. Pour l’opinion publique, les souhaits du patient, que ce soit pour plus de traitement, moins de traitement ou pour un suicide médicalement assisté, doivent être respectés et accomplis.

Réfléchissons un instant : Si une personne en bonne santé physique, avec un équilibre familial, une aisance matérielle et une carrière satisfaisante déclarait qu’elle voulait mourir, il nous serait évidemment difficile de soutenir une telle décision. La raison avancée, qu’elle soit désolante ou banale, nous porterait à conclure que cette personne souffre de dépression et qu’elle a besoin d’un soutien émotionnel et probablement psychologique. Les récits d’hommes d’affaire ayant sauté dans le vide après un crash boursier, nous remplissent plutôt de pitié devant une telle démission que d’un sentiment de satisfaction parce qu’ils auraient fait le bon choix.

Nous devons donc nous interroger : la décision de Maggie qui choisit de mourir, est-elle raisonnable ? Elle décrit sa gloire passée, la foule scandant son nom, et pense qu’après avoir atteint ce stade d’exaltation, la vie d’une paraplégique n’a plus de sens. « J’avais tout, » dit Maggie à Frankie, « alors ne me le reprends pas. »

Du point de vue du judaïsme, l’euthanasie n’est jamais permise. Le judaïsme reconnaît qu’une personne a l’entière autonomie de décider des traitements à suivre, mais insiste qu’ils doivent être accomplis avec prudence. La loi juive ne requiert pas toujours la préservation de la vie, et d’ailleurs, quand une personne est incurable et souffre, il n’est pas nécessaire d’accomplir les traitements qui prolongeraient sa vie.

Pourtant, le judaïsme déclare catégoriquement que l’on ne peut jamais raccourcir de manière active la vie d’une personne incurable. La loi juive aborde la préservation de la vie comme une obligation morale, mais reconnaît qu’il existe des cas, surtout quand il s’agit d’un malade incurable, où une opération ne doit pas être pratiquée. Nous n’avons certainement jamais le droit de mettre un terme à la vie de quelqu’un comme Maggie qui se trouve dans un état considérablement diminué, mais qui n’est pas mourante.

Il n’est nul besoin d’un édit du Code de Loi juive pour admettre que Maggie prend la mauvaise décision. Nous pouvons aussi examiner sa décision d’un point de vue purement humain.

UNE RESPONSABILITE PLUS LARGE



Le handicap très sévère de Maggie est de toute évidence un énorme défi pour l’esprit humain. Mais dans un tel état supposé de dépression, est-ce vraiment dans l’intérêt de Maggie de lui laisser prendre la décision de mettre un terme à sa vie ?

Nous n’accordons habituellement l’autonomie de prendre une décision qu’à une personne en ayant le droit légitime et la pleine habilité. Par exemple, l’autonomie de prendre une décision est limitée pour les enfants et les personnes handicapées mentales. La société a jugé que ces personnes n’étaient pas en mesure de prendre des décisions prudentes. Ce qui est prudent reste bien évidemment subjectif, mais cela ne doit pas nous empêcher d’établir des normes sociétales.

Notre société prise tellement l’autonomie que nous négligeons parfois de considérer les autres options qui s’offrent à nous. Dans Million Dollar Baby, ce qui est présenté comme le droit de mourir est peut-être une digression d’une question plus profonde sur la responsabilité que nous avons d’aider notre prochain. Quand une crise survient, nous devons aider l’autre à analyser son problème et à en résoudre la cause, même s’il veut mourir. Comme nous l’enseigne la Torah : « Ne reste pas indifférent quand la vie de ton prochain est en danger » (Lévitique 19 : 16). Personne ne considèrerait qu’il est moral de crier ‘Saute’ à une personne qui se tiendrait au bord d’un pont. Le passant présumerait que la personne qui s’apprête à sauter, est perturbée et a besoin d’assistance et de soutien émotionnel.

La véritable question d’un point de vue éthique serait donc peut-être non pas « Pourquoi Maggie veut-elle mourir ? », mais « Pourquoi ne lui offre-t-on pas un plus grand soutien ? »

Notre société devrait interpréter ce désir de mourir comme un cri de détresse.

Il a été plusieurs fois prouvé que pour un malade incurable en hospice, le désir de vivre ou de mourir est fortement lié à la qualité du traitement contre la douleur et du soutien émotionnel qu’il reçoit. Pourquoi Maggie ne reçoit-elle aucune aide psychologique pour l’aider dans sa dépression ?

Le message est que la déception d’un rêve brisé est plus forte que la mort elle-même.

Une étude a été faite sur des personnes ayant survécu à une tentative de suicide après avoir sauté du Golden Gate Bridge. Presque toutes ont déclaré qu’elles regrettaient d’avoir pris la décision de sauter. Un homme confia même au New York Magazine qu’en sautant, « J’ai immédiatement réalisé que tout ce que je pensais insoluble dans ma vie pouvait être sauvé - mis à part le fait que je venais de sauter. »

Souvent nous ne parvenons pas à reconnaître qu’un désir de mourir est en fait un appel de détresse. E.S. Shneidman, fondateur de l’American Association of Suicidology, explique : « Le paradoxe est l’homme qui se tranche la gorge et qui appelle au secours au même instant. »

Peut-être que la véritable question n’est pas "comment venir en aide à ceux qui souhaitent mourir", mais plutôt "comment venir en aide à des gens comme Maggie pour qu’ils choisissent de vivre".

SE TOURNER VERS LE FUTUR



Est-il vraiment possible qu’une personne ayant subi un accident comme celui de Maggie veuille continuer à vivre ? Nous n’avons pas besoin de nous tourner vers le monde de la fiction pour trouver une réponse. Prenons l’exemple d’une personne qui était au sommet du succès et qui a subi un accident aux conséquences dévastatrices similaires à celui de Maggie.

Christopher Reeve, mieux connu sous le nom de Superman, s’est fracturé le cou au cours d’un accident d’équitation, ce qui le laissa paraplégique et sous la dépendance d’un respirateur artificiel. Pourtant après une courte période de désespoir, il a choisi de donner un sens à sa vie et de se faire le porte-parole des personnes handicapées. Justement grâce à sa célébrité, il a pu sensibiliser le monde sur le sort des handicapés et devenir le défenseur infatigable de la recherche sur les cellules souches et sur les cellules de la moelle épinière.

Comme l’écrit le Rabbin Avi Shafran :

«Il y a toujours eu une ironie poignante dans le fait qu’un homme rendu célèbre pour avoir interprété un personnage à la force surhumaine, devienne de manière tragique totalement dépendant des autres pour ses besoins vitaux. Mais il est encore plus ironique que les accomplissements formidables de Christopher Reeve, ceux pour lesquels il a été élevé à la postérité, se soient produits après qu’il soit devenu paraplégique».

Bien que la fictive Maggie soit convaincue que sa vie n’a plus de sens après son accident, le véritable Christopher Reeve a choisi de se définir non pas comme la star de cinéma qu’il a été, mais comme celui qu’il est réellement : un homme au potentiel en apparence limité, mais infini malgré tout.

La solution est de se concentrer sur nos buts et potentiels futurs, sans nous appesantir sur le passé et sur "ce qui a pu être", en pensant "si seulement".

Le New Yorker rapporte comment l’un des officiers de police du Golden Gate Bridge, qui a convaincu plus de 200 candidats au suicide de ne pas sauter, aborde la situation :

Il commence par dire : « Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? », puis : « Quels sont vos projets pour demain ? » Si la personne n’a pas de plan… : « Alors faisons-en un ensemble. Si cela ne marche pas, vous pouvez toujours revenir ici plus tard. »

Pour avoir une vie accomplie, il est nécessaire d’espérer en un futur meilleur - d’avoir de nouveaux objectifs à atteindre, de nouveaux buts à réaliser. Au bout du compte, la véritable tragédie de Million Dollar Baby n’est pas la décision déchirante à laquelle Frankie doit faire face. La réelle tragédie est qu’une jeune femme, privée de son rêve, manque du soutien dont elle aurait besoin pour reconnaître que la vie bouillonne encore de potentiel, que la vie est son bien le plus précieux.

Peu importe qu’il s’agisse d’une boxeuse handicapée dépressive pleinement consciente de sa condition comme Maggie, ou d’un homme qui demeurera dans un stade végétatif durant les 20 prochaines années, tel que l’était Vincent Humbert, ou d’un vieil homme inconscient sur son lit de mort qui ne ressent pas la souffrance (pour autant que nous le sachions) et qui n’a aucun échange avec son entourage. La loi juive est formelle : toutes ces vies ont leur valeur propre.

Traduction et Adaptation de Tsiporah Trom



A PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel EISENBERG
Le Dr Daniel Eisenberg dirige le département de radiologie au centre médical Albert Einstein à Philadelphie. Il enseigne l'éthique médicale juive, une fois par semaine, depuis plus de dix ans. C'est un spécialiste mondialement connu de l'Ethique médicale Juive.
  Liens vers les articles du même auteur (2 articles)


COMMENTAIRE(S) DE VISITEUR(S)  2
à propos de million dollar baby - 25 Novembre 2005 <denetheor@yahoo.fr>
Bonjour,

Je remercie notamment le dr eisenberg pour cet article, qui nous rappelle si besoin à quel point nous poursuivons la vie et quelle place nousaccordons à l'espoir et en fin de compte à la foi (bien que l'article ne s'occupe pas de ce point, il est évident que espoir et foi sont liés).

Néanmoins, si cette analyse ne se servait pas seulement d'un passage du film ( la fin d'aileurs) pour traiter d'un sujet plus général, mais prétendait également réduire le film (un petit peu) et comprendre que que la question qu'il poserait soit : "Pourquoi Maggie veut-elle mourir ? ", je voudrais réagir. En effet, ce passage poignant semblerait à première vue poser la question de l'euthanasie, et d'une certaine manière, sinon à la justifier, du moins à laisser la question ouverte (contrairement au judaïsme). Or je ne pense pas que l'on doive comprendre ainsi. c'est plutôt d'un film qui nous raconte une relation entre deux êtres et la transformation que ceux-ci subissent l'un au contact de l'autre, l'évolution de leur personnalité, la soumission de chacun à l'autre, et en fin de compte le drame d'un homme qui après avoir été le moteur de l'ascension de maggie, son coach, son tyran, son père également, se retrouve maintenant face à elle : maintenant, elle ne lui demande pas de la débrancher comme l'ancienne maggie, non, c'est maintenant la maggie qui exige, et qui a une influence sur les choix de frankie, l'hoome dur au coeur trop tendre. N'oublions pas qu'il est hors de question pour celui-ci de commettre un acte pareil au début. C'est après l'insistance de sa maggie, et face finalement à son propre échec que sa fermeté est minée. L'homme que l'on nous présente ne va certainement pas justifier aucune euthanasie. au contraire, c'est un homme détruit qui va commettre cet acte, un homme pitoyable, mais dont on aura compris que sous son apparence tyrannique, il pouvait se laisser fléchir.


Maintenant il est bien évident qu'il est facile de comprendr autrement, mais comme je l'ai dit, ce serait réduire le film à 10 minutes, et qui plus est ssans tenir compte des 2 heures précédentes. Mais c'est là où l'on reconnait le talent d'un grand réalisateur, lorsque le ùême film produit un effet différent sur qui le regarde.
Il y a un autre film de eastwood "chasseur blanc, coeur noir" qui bien que plus clair à la fin, donnerait une idée concernant comment aborder un film de ce réalisateur. C'est pareil avec "mystic river" : il n'y a pas à juger sur ce qui est bien ou pas bien, ce n'est pas le propos du réalisateur. Le propos du réalisateur est de nous montrer des hommes et leurs réactions, comment ils réagissent avec leurs tripes : c'est à dire dévoiler ce que nous cachons.

les malades incurables - l'euthanasie - 3 Septembre 2005 - par minvielle nelly
Notre vie ne nous appartient pas. A partir de là nous n'avons pas le droit d'y mettre fin. Cependant en ce qui concerne de grands malades, les personnes atteintes de cancer di l'euthanasie ne doit pas être est-il normal qu'en toute connaissance de cause la médecine s'acharne, opère, essai des traitements lourds qui au lieu d'apporter un peu plus de vie amènent à la mort dans des souffrances accrues. A ce stade de la connaissance il me semble que l'on devrait soulager les malades mais pas vouloir à toutes forces les prolonger. Quand tout autour de nous on voit disparaitre de plus en plus de personnes après être passées par des traitements lourds, opératins.. je pense avec effroi à des essais
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