LA LETTRE
Qui a l'obligation de les boire
?
1. Les femmes ont également l'obligation de boire les quatre coupes de vin au
Sédèr (472, 14), tout comme les pauvres (472, 13).
2.Celui qui ne boit jamais de vin
parce qu'il n'en tolère pas le goût, ou parce qu'il lui donne mal à la tête,
ou parce qu'il s'y refuse pour toute autre raison, devra néanmoins se forcer
à en boire les quatre coupes. Il conserve l'obligation de le faire, à moins
qu'il ne le rende malade au point (le l'obliger à rester au lit (472, 10, Michna
13 Beroura 35). Il est permis de diluer le vin, mais pas au point de le rendre
inutilisable pour Qiddouch (Ibid. 37). On peut aussi employer du vin
à base de raisins secs ou du `hamar medina - la boisson habituellement
utilisée dans le pays à la place du vin (Ibid.)
Comment accomplir la mitsvah ?
1. Les quatre coupes doivent toutes être bues en position accoudée (voir Rema
et Michna Beroura sur 472, 7). Il est recommandé, si l'on veut s'acquitter
dûment de son obligation (lekhat'hila), d'en boire tout le contenu ou, si le
vin est très cher, d'absorber chaque fois la plus grande partie du contenu,
pourvu que ce soit un reviith (9 ou 14 cl, ndlr). Il suffit cependant,
si l'on veut s'en tenir à une exécution de moindre " qualité " de la mitsvah
(" min hadine "), d'avaler chaque fois un reviith, même s'il ne représente pas
la majeure partie de la coupe (Michna Beroura 472 /31-33). On doit toutefois
s'astreindre, recommande le Michna Beroura (34), à boire cette majeure
partie, même si la coupe contient beaucoup plus que deux reviith.
2. Pour chacune des quatre coupes,
il faut essayer de consommer la plus grande partie du reviith en une
seule gorgée. Si on l'absorbe lentement et que l'on ne termine pas dans les
limites de kedei akhilath perass, la boisson avalée à la fin du reviith
ne " se joint " pas à celle bue au début de celui-ci. En conséquence, on ne
s'est pas acquitté de son obligation. Celui qui utilise une coupe de grande
capacité et qui veut accomplir dûment la mitsvah (lekhat'hila) doit s'astreindre
à ne pas se ménager de longues pauses avant de l'avoir terminée.
Selon certains décisionnaires, si l'on s'arrête de boire pendant le temps qu'il
faut pour absorber un rev`iith, cela constitue également une interruption qui
disjoint ce qui a été absorbé à la fin de ce qui l'a été au début (Ibid.). Pour
les deux dernières coupes, cependant, même s'il faut plus de temps que celui
normalement nécessaire pour absorber un reviith, on s'est acquitté de
son obligation - bedi'évéd -si l'on a terminé dans le temps de Kédei
akhilath Pérass.
On n'a donc pas besoin de boire à nouveau la coupe entière (Ibid au nom
du Maguèn Avraham, qui considère que si cela se produit pour les deux premières
coupes, on doit les reboire, et ce dans les limites du temps exigé. En revanche,
selon le Michna Beroura, il n'en est ainsi que si, après avoir bu la première
coupe, on a l'intention de consommer à nouveau du vin entre la première et la
deuxième.)
3. Quand un enfant a atteint l'âge
du `hinoukh (éducation), c'est une mitsvah de lui donner son propre verre ou
gobelet pour boire les quatre coupes de vin du Sédèr (472, 15). Ce n'est
cependant pas obligatoire, car selon de nombreuses autorités, l'obligation de
consommer les quatre coupes n'incombe pas aux mineurs (Michna Beroura
46). Les femmes ont l'obligation de les boire, mais pas de s'accouder.
4. Suivant une mesure rabbinique,
les quatre coupes doivent être consommées à des moments précis pendant le Sédèr
(472, 8). La première est bue au Qiddouch, la deuxième après la récitation de
la Haggada. La troisième l'est après le Birkath ha-Mazone, et le quatrième
après la seconde moitié du Hallel. Les femmes doivent elles aussi se soumettre
à cette loi, car selon le Peri 'Hadach, si on ne boit pas les coupes aux moments
prescrits, on se n'est pas acquitté de l'obligation (voir Biour Halakha).
L'ESPRIT
Elles correspondent aux quatre expressions
de " délivrance " employées par la Torah
En Egypte, écrit Rav 'Azaria Figo (1579-1647) dans Bina le-Itim, nos
ancêtres ont subi quatre sortes de souffrances :
1. La pauvreté : Les Egyptiens ont volé nos richesses,
comme l'atteste la Torah (Chemoth l,11) : " Ils (les Egyptiens)
placèrent sur lui des dirigeants de corvées afin de l'opprimer de leurs fardeaux,
ils (les Hébreux) construisirent des villes d'approvisionnement pour Pharaon.
"
Les impôts ont totalement drainé
l'argent et les biens des enfants d'Israël. L'Egypte, qui était un pays très
riche, n'avait pas besoin de ce revenu fiscal. Elle n'a procédé à ces prélèvements
que pour opprimer et humilier nos ancêtres. Ayant aussi des travaux pénibles
à effectuer, elle a assujetti les Hébreux en les leur imposant. Selon la Torah,
l'argent procuré au fisc égyptien par ces impôts a suffi pour construire deux
villes d'approvisionnement pour Pharaon - Pithom et Ra'amsés. Les Hébreux ont
fourni non seulement les ressources financières, mais aussi le travail d'esclaves
à bon marché.
2. Les violences physiques :
Les Egyptiens les ont brutalisés - en les torturant et en les asservissant -
et ils les ont astreints à un travail extrêmement pénible, dans le dessein d'affaiblir
et de briser leurs corps.
3. Les insultes et l'avilissement
: Ils ont dénigré nos ancêtres, ils ont foulé leur honneur aux pieds, en
ont fait des esclaves, les réduisant à l'état le plus dégradant qui soit.
4. La ruine spirituelle :
Ils ont causé chez les enfants d'Israël un grand déclin spirituel, alors que
précédemment, tous avaient été des serviteurs loyaux de D.ieu, beaucoup ayant
été des tsaddikim, des géants spirituels. Mais à présent, un grand
nombre d'entre eux se sont mis à adorer les idoles. Quand les Hébreux se sont
trouvés devant la mer Rouge, les anges se sont plaints auprès du Saint béni
soit-Il :
" Pourquoi la mer devrait-elle se
fendre pour eux ? Ils (les Egyptiens) adorent des idoles et eux aussi adorent
des idoles ! "
Quand D.ieu a ordonné à Moché
de faire sortir d'Égypte les enfants d'Israël, Il a utilisé quatre expressions
différentes de "libération", correspondant à ces quatre malheurs qui les ont
affligés. Il l'a chargé d'annoncer à la nation, en Son nom (Exode 6,
6-7) :
" C'est pourquoi dis aux enfants
d'Israël : Je (suis) D.ieu! Je vous ferai sortir (wehotséti ) de dessous les
fardeaux de l'Égypte, Je vous délivrerai (wehitsalti)de leur servitude, Je vous
sauverai (wegaalti) avec un bras étendu et avec de grands jugements. Je vous
prendrai (welaqa`hti )pour Moi comme peuple, Je serai votre Dieu. "
D.ieu a voulu sauver Son peuple sous
tous ces aspects :
Wehotséti - " Je vous
ferai sortir de dessous les fardeaux de l'Égypte " - et vous soulagerai de la
pauvreté.
Wehitsalti - " Je vous délivrerai de leur servitude " - et des
violences physiques.
Wegaalti - " Je vous sauverai " - et vous affranchirai des insultes
et de l'avilissement.
Welaqa`hti - " Je vous prendrai pour Moi comme peuple " - et vous
ferai renaître spirituellement.
Pour commémorer ces quatre miracles, les Sages ont décidé que nous devons boire
quatre coupes de vin pendant le Sédèr :
1. Au Qiddouch, nous reconnaissons D.ieu" qui nous a choisis entre tous
les peuples, nous a élevés entre toutes les langues ". Cela correspond à notre
" prise " (welaqa'hti) et à notre renaissance spirituelle.
2. La deuxième coupe est bue après
la récitation de la Haggada, qui relate notre libération de l'esclavage.
Cela correspond à notre affranchissement des insultes et de l'avilissement (wegaalti).
3. Par la troisième coupe, que nous
buvons après le Birkath haMazone, nous remercions D.ieu de pourvoir à nos besoins.
Cela correspond au soulagement de la pauvreté (wehotséti).
4 .La quatrième coupe, qui accompagne
le Hallel - éloge et remerciements à D.ieu - rend compte de notre sauvetage
des violences physiques (wehitsalti).
LES QUATRE VERBES
DE LA DELIVRANCE
Le Ma'assei Nissim (Rav Ya'agov de Lissa - XIXe siècle) relève le même
enseignement midrachique (Chemoth Rabba 6, 4) selon lequel nos Sages
nous ont prescrit de boire au Sédèr quatre coupes de vin en rappel des quatre
expressions employées par D.ieu pour annoncer notre libération d'Egypte (voir
aussi le Talmud Yerouchalmi, Pessa'him, dixième chapitre). Reste à expliquer
pourquoi il convient que nous nous réjouissions à propos de chacun de ces termes
: wehotséti, wehitsalti, wegaalti, welaqa'hti .
Ces quatre verbes soulignent le fait
qu'à ce moment de l'histoire, notre peuple a tiré profit de quatre interventions
distinctes.
Wehotséti -
Nous avons été pris hors de l'Egypte.
Wehitsalti - Nous avons été libérés de l'esclavage.
Wegaalti - D.ieu nous a " acquis " comme Ses serviteurs
(voir Baba Metsi'a 47a, où le mot gueoula s'entend comme un qinyan, "
acquisition ").
Welaqa'hti - D.ieu S'est fiancé avec le peuple juif
(voir Qiddouchin 2a, où le mot laqa'h signifie " fiançailles " ou Kiddouchin.
Voir aussi Hoché'a 2, 18 , où Israël appellera D.ieu " son
mari ". Voir encore Ketouvoth 71 b.)
Pendant le Sédèr, les quatre moments
où sont consommées les coupes correspondent à chacune de ces significations
:
Au Qiddouch, nous parlons
de Pessa'h comme étant " l'époque de notre libération ". Ainsi, la coupe que
nous y buvons correspond à wehitsalti - la libération de l'esclavage.
La deuxième coupe, qui correspond
à notre délivrance d'Égypte, trouve sa place après la narration de l'Exode et
des miracles qui l'ont accompagné.
Celle rappelant l'acquisition des
enfants d'Israël par D.ieu comme Ses serviteurs - la troisième - a été instituée
après le Birkath ha-Mazone. Dans celui-ci, sont évoquées la circoncision
- que nous portons sur notre chair en signe de Son alliance avec nous ; la Torah
- lois et décrets auxquels le Roi soumet Ses sujets ; et Erets Yisrael
- le pays qu'Il nous a donné.
Quant à la quatrième et dernière
coupe, sa place est dans la dernière partie de la Haggada, qui parle de notre
Délivrance future, laquelle marquera nos " épousailles " avec D.ieu, comme l'explique
Ibn Ezra dans son commentaire sur le Chir ha-Chirim.
Tiré de la Haggada de Pessa'h "Talalei Oroth" - Perles de Rosée du Rav Dov Issachar RUBIN - Adaptation Française: jacques KOHN paru aux Edition Emounah et disponibles dans toutes les librairies juives.