" Car l'Eternel,      ton D.ieu, te fait venir vers un bon pays, un pays de torrents d'eau, de sources      et d'eaux profondes, qui sortent dans la vallée et dans la montagne      " (Deutéronome 8, 7).
 
 
Est-ce que la Loi juive tolère la pollution de l'environnement quand elle sert les intérêts de la société ou de l'économie
Aux temps jadis, les cours    d'eau d'Israël se sont distingués en tant que théâtres    d'événements historiques restés célèbres,    mais la plupart sont devenus aujourd'hui le siège de désastres    écologiques.
L'effondrement catastrophique    d'un pont, il y a quelques années, à l'ouverture des Quinzièmes    Maccabiades, a révélé les dangers que fait courir la rivière    Yarkon. Quand le pont s'est écroulé, quatre athlètes sont    tombés dans la rivière et sont morts victimes de ses produits    polluants, et un autre athlète a souffert de graves et épuisantes    intoxications.
Plus récemment, les    médias ont appelé l'attention sur une autre catastrophe écologique,    celle causée par des effluents non retraités se déversant    dans le Kishon depuis les usines proches.
Le Kishon est une vénérable    voie d'eau dont la prophétesse Deborah a fait l'éloge pour le    rôle qu'il a joué en repoussant les chars de Sissera (Juges chap.    4 et 5), et qui, soit dit en passant, s'est comporté de la même    manière en 1799 en contribuant à la victoire de Bonaparte sur    des brigands arabes dans la vallée de Jezréel. Il est aujourd'hui    si gravement pollué qu'il met en danger tous les organismes vivants dans    son voisinage. Fait sans précédent, l'armée israélienne    a cessé de l'utiliser pour ses manœuvres quand il est apparu clairement    qu'il contribuait à une augmentation significative du nombre de cancers    parmi les plongeurs, dont beaucoup ont commencé d'engager des procédures    judiciaires.
Quelle est l'attitude de    la Torah par rapport à ces problèmes écologiques ? Est-ce    qu'elle tolère la pollution de l'environnement quand elle sert les intérêts    de la société ou de l'économie ?
On sait, par exemple, que    les entreprises de produits chimiques et les raffineries pétrolières    de Haïfa ont affirmé qu'il n'existe aucun moyen économiquement    viable de se débarrasser de leurs effluents, ce qui justifie leur déchargement    dans la rivière.
Il est très fréquent, aujourd'hui, de voir les intérêts    économiques prendre le dessus par rapport aux préoccupations écologiques,    ainsi que nous avons pu le voir à propos des accords de Kyoto, lorsqu'ils    ont cherché à limiter les émissions de gaz qui menacent    la biosphère. La Torah considère-t-elle ces efforts de manière    négative ?
 
SOUCI ECOLOGIQUE ET PRIORITES    ECONOMIQUES
 
L'obligation de protéger la terre reste à la base de cette décision talmudique, et elle demeure aujourd'hui d'autant plus contraignante que nous sommes revenus en Terre d'Israël et que nous pouvons le protéger.
On peut répondre    à cette question en faisant appel à un autre verset de notre paracha.    Le Talmud ('Houlin 84b), citant Rabbi Yo'hanan, recommande à qui    veut devenir riche de créer un élevage de moutons. Ce conseil    s'induit du verset : " … et Il bénira… les fécondités    ('achtaroth) de ton menu bétail " (Deutéronome 7, 13),    le mot hébreu 'achtaroth contenant une connotation de " richesses    " ('achirouth).
Les Tossafoth (ad loc.) relèvent toutefois une contradiction entre cette    source et ce qui est indiqué dans Pessa'him (50b), où il    est affirmé que celui qui élève du menu bétail ne    connaîtra pas le succès.
Leur conclusion est que l'on doit installer son élevage de moutons loin    des centres urbains, là où il ne règne pas un " mauvais    œil " qui pourrait en compromettre le développement.
Curieusement, les Tossafoth    ne citent pas un autre enseignement talmudique (Baba Qama 79b) qui interdit    explicitement tout élevage de menu bétail en Terre d'Israël. Comment    rabbi Yo'hanan a-t-il pu, lui qui vivait en terre d'Israël, approuver une    activité interdite comme celle-là ? Peut-être a-t-il voulu    appeler l'attention sur la nécessité d'un choix entre l'activité    économique et l'écologie. Quand les rabbins ont proscrit l'élevage    du bétail, ils étaient bien conscients des sérieux dommages    économiques qui pourraient résulter de leur décision.
Cette crainte des rabbins    apparaît au travers de la même source talmudique, qui permet l'élevage    du gros bétail au motif que l'on en a besoin pour labourer et transporter,    et parce que la plupart des gens ne pourraient pas subsister sans lui. Malgré    cela, les Sages ont interdit d'élever des moutons sauf dans les déserts    d'Israël et en dehors du pays. On aurait pu supposer que la raison de cette    restriction fût que les animaux pourraient aller paître dans les    champs des autres et que leurs propriétaires se rendraient ainsi coupables    de vol. Mais dans ce cas elle aurait dû s'appliquer de la même manière    en Israël et en dehors. Aussi Rachi explique-t-il que les rabbins ont voulu    soutenir le développement de la terre d'Israël, car le menu bétail    tend à détruire la végétation environnante.
Ils n'étaient pas    préoccupés par des considérations écologiques en    dehors d'Israël puisque la plus grande partie du monde appartient aux non-Juifs,    et c'est pour cette raison qu'ils ont permis l'élevage de bétail    dans la diaspora. Nous voyons d'ici que quand les rabbins ont dû peser    des considérations économiques et écologiques, ils n'ont    pas craint de décider en faveur de la préservation de l'environnement    même quand cela pouvait nuire à des professions lucratives.
Cette thèse soulève    cependant une difficulté, car le Talmud continue en citant plusieurs    anecdotes dont il résulte que le principal enjeu est ici la possibilité    de dommages à la propriété d'autrui. De plus Rav, le grand    maître babylonien, disait que " nous sommes maintenant comme en    terre d'Israël pour le menu bétail " (Baba Qama    80a), sans doute parce que la plupart des Juifs vivaient alors en Babylone et    que l'interdiction était basée sur les dommages potentiels à    la propriété juive et non sur des considérations écologiques.
C'est dans cet esprit que    les grands codificateurs de la loi juive, le Tour et Choul'hane 'aroukh    ('Hochèn michpat 409), écrivent qu'à leur époque,    où les Juifs ne possédaient pas d'importantes propriétés    en Israël, il était permis d'élever des moutons. Est-ce que    cela signifie qu'il n'est aucun besoin de préserver l'environnement naturel    si aucun dommage n'est causé à une propriété juive    ?
Le rabbin et géographe    Estori ha-Par'hi (1280-1355?) considère que ce serait une approche erronée.    Il soutient que la raison première de ce décret était le    besoin de protéger l'environnement, et ce n'est que plus tard que l'interdiction    a été étendue de manière à viser les dommages    causés par le menu bétail à la propriété    d'autrui. Cependant, cette extension ne contredit pas la raison première    de l'interdiction : " l'interdiction est fondamentalement inhérente    à la terre d'Israël, car il nous est ordonné de ne pas l'endommager    et de la protéger à toutes les époques, même quand    elle ne nous appartient pas " (Kaftor vaféra'h chap. 10).
En nous appuyant sur l'interprétation    proposée par le Rabbin Estori, nous pouvons maintenant combiner les deux    raisons données à sa promulgation.
Elle avait pour but,    à l'origine, de protéger l'héritage national de la terre    d'Israël, en tant qu'elle est la propriété de la nation juive    tout entière, contre les prédateurs économiques. Ce qu'a    voulu simplement dire Rav, c'est que ce principe s'applique aussi à la    propriété juive individuelle, qui pourrait être sévèrement    menacée par du menu bétail échappant à tout contrôle.
Ainsi l'obligation de protéger    la terre reste-t-elle à la base de cette décision talmudique,    et elle demeure aujourd'hui d'autant plus contraignante que nous sommes revenus    en Terre d'Israël et que nous pouvons le protéger.
Nous voyons ainsi que les    rabbins, il y a déjà deux millénaires, se sont penchés    sur ce problème et ont tranché en faveur de la protection de la    nature. À nous de les imiter et de rendre leur propreté à    nos beaux cours d'eau !
 
Traduit et adapté par Jacques Kohn