Du droit et du devoir de soigner.
Un médecin qui refuserait de soigner pourrait être considéré comme un assassin.
Dans Exode XXI 19, on apprend que celui qui blesse son prochain doit lui assurer des soins.
Le Commentateur Tseenah Ourheena (Rabbi Yaacov Isaac de Janow. 1622. Hanau. Ed. Verdier, p. 451) explique que "l'offenseur doit louer les services d'un médecin pour soigner la victime blessée...". Et il rapporte Rachi qui dit que le blessé doit louer et payer un médecin, qu'il peut refuser un médecin qui soigne gratuitement estimant "qui soigne sans argent n'ausculte pas convenablement" et qu'il peut refuser également d'être soigné par l'offenseur si celui-ci est médecin, en rétorquant "c'est mon ennemi, je ne souhaite pas avoir affaire à lui". De ce verset d'Exode XX 1 19 qui se termine par "...Verapo Yérapé", c'est à dire "et le médecin soignera", la plupart des commentateurs de la Tradition Hébraïque concluent et enseignent qu'il est autorisé au médecin de soigner. Pour certains, dont Maïmonide, c'est plus qu'une autorisation, c'est un devoir, une obligation.
Pour la Tradition Hébraïque, il sera donc non seulement légitime mais appréciable d'étudier la médecine et de l'approfondir pour aider au mieux son prochain. Un médecin qui refuserait de soigner pourrait être considéré comme un assassin.
Du lien particulier entre médecin et malade.
Pour la Tradition hébraïque, le malade choisit son médecin. Si un malade sérieusement atteint demande à consulter un médecin précis, bien qu'il soit déjà pris en charge par d'autres médecins, celui qu'il a choisi se doit d'accepter de s'occuper de lui. En effet le Tradition Hébraïque estime que pour obtenir la guérison il y a adéquation entre certains patients et certains médecins.
De la conscience professionnelle
Aucun médecin ne doit exercer, pour la Tradition Hébraïque, s'il ne s'estime pas suffisamment compétent.
La formation continue, très à la mode aujourd'hui est prônée par Maïmonide, depuis le 12ème siècle qui en fait un devoir moral.
On peut considérer que les médecins en France avec une des meilleures formation médicale possible et un niveau élevé d'examens passés sont à l'abri (pour ceux qui réussissent à obtenir leur diplôme) d'une réelle incompétence.
Du secret professionnel et de la vérité aux patients
Pour la Tradition Hébraïque, le médecin ne doit pas dévoiler au malade la gravité de son état. On ne pourra le révéler que devant l'insistance du malade et seulement si l'on estime que cette révélation peut lui être favorable. Dans le cas contraire on s'abstiendra.
A titre d'exemple voici les reproches que le Roi Ezéchias, malade fait au prophète Isaïe venu le visiter et que rapporte Koelet Rabba V, 4 (enseignement allégorique sur l'Ecclésiaste). "Il est habituel car c'est la coutume, que quiconque visitant un malade doit prier le Créateur pour sa guérison. Lorsque le médecin se déplace au chevet de son malade, il lui recommande telle nourriture ou telle boisson et lui interdit telle autre. Même s'il sait que son patient en est à ses ultimes instants, il ne lui dira pas, "mets ta maison en ordre", de peur de l'affaiblir davantage. Or, c'est exactement ce que tu me dis".
Ainsi, le médecin pour la Tradition Hébraïque, doit outre soigner, encourager et donner de l'espoir au malade jusqu'aux derniers instants.
De la connaissance du vrai thérapeute et de l'humilité du médecin
Exode XV 26 `... Car je suis l'Éternel qui te guéris...". Pour la Tradition Hébraïque, le médecin n'est que l'intermédiaire entre le malade et le Créateur. Tous ses soins n'opèrent que par la volonté du ciel, qui seul décide de la guérison. Aucun médecin ne peut dire avec certitude, celui-là guérira, celui-ci succombera. Chaque être est particulier et en médecine le plus souvent, l'exception est la règle, les plus grands de nos professeurs peuvent en témoigner.
Le meilleur des médecins va en "enfer". (Tov chebarofim lagueinam)
Le médecin qui ne prie pas pour ses malades et ne veut pas jouer l'intermédiaire entre eux et le créateur devra rendre des comptes.
La Tradition Hébraïque donne a cette terrible, mais symbolique sentence, plusieurs explications. Nous en citerons quatre.
Le médecin qui se croit le meilleur, qui croit que la guérison vient de lui, qui oublie son simple rôle d'intermédiaire, qui oublie de demander l'avis d'autres confrères parfois plus expérimentés, celui-là est concerné par la sentence. Quel médecin peut jurer n'avoir jamais fait d'erreurs? Or l'erreur d'un médecin est parfois fatale pour son patient et dans ce sens il et considéré comme fautif. Il s'agit aussi du médecin qui ne supporte pas de voir souffrir son patient quitte à le priver de traitement douloureux, chronique ou dégradant. Cet excès de pitié mal placée qui ôte l'espoir de guérison à certains malades à cause de médecins voulant trop leurs "bien" vaudra à ces derniers de rendre des comptes. Enfin chaque jour, dans la Tradition Hébraïque, il existe une prière de 18 bénédictions à réciter. L'une d'elle concerne la maladie et sa guérison que l'on demande au Créateur. Nous jouons là sur la valeur numérique des mots. Le mot "Tov" (le meilleur), vaut 17. Cette sentence voudra donc dire que le médecin (Tov = 17) qui ne fait que 17 bénédictions au lieu de 18, en sautant celle qui correspond aux malades et à leur guérison et donc ne prie pas pour ses malades et ne veut pas jouer l'intermédiaire entre eux et le créateur, celui-là aussi devra rendre des comptes.
De la responsabilité médicale
D'après la Tradition Hébraïque, si un médecin considéré comme compétent et qui a prodiguer ses soins de manière consciencieuse, commet une erreur, même si celle-ci provoque des dommages on ne peut le poursuivre. Cependant il sera responsable devant le Créateur.
De l'actualité des éléments médicaux du Talmud
Les traitements contenus et proposés dans le Talmud n'ont pour la plupart, plus cours de nos jours. La nature des gens a changé et le plus souvent ces éléments médicaux sont le reflet des connaissances de l'époque.
De la rémunération des médecins
La Tradition Hébraïque interdit à tout médecin de refuser ses soins pour raisons pécuniaires.
A priori, pour la Tradition Hébraïque, un médecin ne peut percevoir de rémunération. Deux raisons à cela: la première, est que la guérison vient du Créateur et la seconde, est qu'il est interdit de recevoir un salaire pour une bonne action (soigner) car cela annulerait les mérites. Les bonnes actions ne sont conçues que gratuites et désintéressées. Cependant, les médecins à notre époque qui n'ont aucun autre moyen de gagner leur vie puisque tout leur temps est utilisé à exercer leur activité sont autorisés à percevoir un salaire pour le temps utilisé à soigner qui les empêche de faire autre chose. C'est donc ce temps bloqué qui est payé et non pas les soins prodigués en eux-mêmes.
D'autre part la Tradition Hébraïque interdit à tout médecin de refuser ses soins pour raisons pécuniaires. Toute personne, quelque soit son niveau social et ses revenus, doit-être soignée. Un médecin qui malgré tout refuserait ses soins, le Tribunal rabbinique pourra l'y obliger.
Du rapport aux parents
La Tradition Hébraïque autorise le médecin à soigner son père et sa mère. Il pourra prodiguer tous les soins nécessaires et mêmes des piqûres. Cette autorisation vaut s'il n'y a pas d'autres médecins et que les parents souffrent ou que les parents ne veulent pas d'autres médecins que leurs enfants. Cependant même si les parents insistent il ne pourra leur révéler la gravité éventuelle de leur états, de peur qu'ils ne s'attristent et aggravent leur santé.
Enfin, un médecin à qui les parents ordonnent de donner des boissons ou des mets nocifs pour leur santé, doit désobéir, sauf si cette désobéissance peut conduire à un danger pour la vie de ses parents.
(Article paru dans la revue médicale El Rofé, 1993)