Les textes juifs faisant l’éloge de l’homme dans la création sont nombreux et puissants. L’âme humaine est décrite comme étant : « une partie de D.ieu » (Job 31-2). Une Michna enseigne que celui qui tue un homme est assimilable à celui qui détruit toute l’humanité (Talmud - Sanhédrine). Le psalmiste écrit : « Tu l’as diminué de peu par rapport à D.ieu, toute la création est à ses pieds » (Psaumes 8 – 6). Enfin, dès l’apparition de l’homme dans la Torah, il est dit qu’il a été crée à l’image de D.ieu.
Ces enseignements montrent que la Torah ne considère pas l’homme comme un animal pensant.
Ils révèlent que l’être humain est au delà du reste de la Création.
Comment dès lors concilier ces textes avec ceux évoqués précédemment.
La problématique sous-jacente à cette question semble être celle qui oppose le Judaïsme ancestral aux nouvelles formes de cultes que certains souhaiteraient instaurer. Le Judaïsme rabbinique voit dans la loi révélée la seule référence en matière de religion. Ainsi, il ne laisserait à l’homme aucune place dans son expression.
Par ailleurs, certains mouvements se réclamant du judaïsme, affirment laisser une plus grande autonomie à l’homme en lui permettant de modeler les préceptes de la loi, selon sa volonté. Au point qu’aux yeux du monde, le Judaïsme rabbinique est souvent jugé rétrograde, figé, sans courage, abdiquant face à la loi, alors que les courants dits « libéraux » sont souvent perçus comme plus modernes, car laissant une place prépondérante à l’homme et à sa volonté dans la conception de la loi.
Doit-on en rester là ?
Peut-on accepter que l’on dise du Judaïsme rabbinique qu’il « emprisonne » l’homme dans les quatre coudées de la Halakha en l’empêchant d’exprimer son avis sur les choses de la vie ? Doit-on voir dans les textes relatant que le don de la Torah s’est fait dans la contrainte, annihilant ainsi l’intellect humain, la position du Judaïsme ou faut-il plutôt mettre l’accent sur les textes qui font de l’homme une créature proche de D.ieu, faisant de la spécificité humaine son intelligence, l’outil le plus précieux et le plus sacré de la création ?
Une réflexion autour des lois concernant le ’hamets, le pain levé, nous mettra sur la voie.
Lorsqu’on se penche sur les différentes lois en rapport avec le ’hamets, un paradoxe troublant apparaît.
D’une part le ’hamets est le symbole du mal par excellence. Il est souvent associé dans les textes au Yétser Har’a, au mauvais penchant, à l’orgueil.
L’image de la pâte levée est associée à l’orgueilleux qui marche la tête haute. La règle générale concernant les offrandes faites dans le Temple de Jérusalem est l’interdiction de la présence en elles de la moindre parcelle de ’hamets. Lorsque de la farine devait être associée aux différentes offrandes, elle devait impérativement être matsa, ne pas avoir levée.
A Pessa’h, au moment où nous célébrons la création du peuple juif, le ’hamets est interdit à la consommation, et les règles entourant cette interdiction sont beaucoup plus rigoureuses que celles réglant toutes les autres interdictions alimentaires. Tout ceci montre que le ’hamets représente le mal par excellence.
Il existe toutefois une dernière occurrence où apparaît une loi concernant le ’hamets et celle-ci va dans une direction diamétralement opposée à celle révélée par les enseignements ci-dessus.
Il s’agit de la composition de l’offrande qui devait être faite dans le Beit Hamikdach, dans le Temple de Jérusalem, le jour de Chavou’ot. La Torah enseigne qu’en ce jour du calendrier juif, une offrande devait être composée de deux pains confectionnés à partir de farines de blés ; mais surtout, le texte de la Torah insiste pour que ces deux pains soient ’hamets :
« De vos habitations, vous apporterez deux pains destinés au balancement qui seront fait de deux dixième de farine et cuits à pâte levée, ce seront les prémices pour l’Eternel » (Lévitique, 23-17).
Cet enseignement nous laisse sans souffle puisque ce qui est considéré comme le symbole du mal est soudain sanctifié : il est associé à la célébration de la fête du don de la Torah. Comment comprendre qu’un élément symbolisant le mal puisse devenir le symbole du bien ?
Comment ce qui à Pessa’h n’est pas cacher, le devient-il le jour de Chavou’ot ?
Pour comprendre la raison d’être de ce changement d’attitude par rapport au ’hamets, il faut se pencher un moment sur la nature de la matsa et sur celle du ’hamets. Il est évident que l’enseignement symbolique attaché à ces deux matériaux est lié à la réalité de leur être.
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