La Paracha de la semaine débute par le verset : « Pin’has fils de Elazar fils de Aaron, le Prêtre » (Nomb. 25 : 11)
Rachi, dans son commentaire sur ce verset, explique que les chefs de tribus dénigraient Pin’has. Car, alors que son grand-père maternel, Jetro, engraissait les veaux pour l’idolâtrie, le voilà à présent qui tue Zimri, le chef de la tribu de Siméon. (Celui-ci s’étant prostitué avec une fille de Midian, Pin’has les a transpercés avec une lance et les a tués.)
C’est pour faire taire ces charges qui pesaient sur Pin’has que la Torah relie Pin’has à Aaron.
De plus, le Talmud explique que le tribunal voulait excommunier Pin’has. Mais, ils abandonnèrent cette idée lorsque D.ieu affirma : « Ce sera pour lui et sa descendance, une alliance de prêtrise éternelle » (Nomb. 25 : 13)
Plusieurs questions peuvent être posées. Tout d’abord, la Torah présente l’acte de Pin’has comme étant salvateur et particulièrement bénéfique. C’est son acte qui mit fin à l’épidémie. Pourquoi donc le peuple Juif lui en a-t-il voulu ? N’ont-ils pas vu que son acte était positif et nécessaire ?
De plus, pourquoi le peuple a décrit son grand-père comme quelqu’un qui « engraisse » des veaux pour l’idolâtrie et non simplement comme un idolâtre ? Il est surprenant que les Juifs insistent particulièrement sur cet aspect d’engraisser les bêtes plutôt que sur l’idolâtrie même !
D’autre part, en quoi le fait de relier Pin’has à Aharon apporte une solution ? Il n’en reste pas moins qu’il est aussi le petit-fils de Jetro, un idolâtre. En tant que tel, les arguments du peuple gardent toute leur force !
Enfin, pourquoi le tribunal fut-il calmé lorsqu’ils entendirent la phrase : « Ce sera pour lui et pour sa descendance… » ? En quoi cette phrase constitue-t-elle un élément favorable pour Pin’has ?
Le Talmud laisse entendre que l’acte de Zimri avec la Midianite partait d’une bonne intention. Son intention était pour le Nom de D.ieu. Ainsi, par exemple, un Midrash dit que Zimri voulait ramener la Midianite sur le droit chemin. Il comptait l’influencer dans le bien.
Mais d’un autre côté, Rachi affirme clairement que son intention était négative, c’était de fauter. Comment comprendre ce paradoxe ?
Pour comprendre tout cela, il faut expliquer la différence entre le service des idoles et le service de D.ieu.
Les idolâtres, lorsqu’ils apportent leurs offrandes, prennent le soin d’engraisser leurs bêtes. L’offrande doit être bien grasse. C’est que leur priorité est l’apparence extérieure, c’est ce qui est artificiel.
En revanche, dans le service de D.ieu, peu importe si la bête offerte est grasse ou non. L’essentiel est le sang. Car, « le sang c’est l’âme ». Et dans le service de D.ieu, ce qui importe c’est l’âme, c’est la profondeur et non l’extérieur, comme pour les cultes idolâtres.
Il est vrai que l’acte de Zimri était extérieurement négatif. Mais, dans le fond, son intention était bonne, comme il en ressort de l’enseignement du Talmud évoqué plus haut.
Lorsque Pin’has le tua, les Juifs se montèrent contre lui. Ils rappelèrent que son grand-père était Jetro, « celui qui engraisse les veaux pour l’idolâtrie ». L’acte d’engraisser correspond à une vision superficielle, comme on l’a expliqué. Il s’agit de ne prendre comme référence que l’extérieur. C’est ce que les Juifs reprochèrent à Pin’has. Ils pensèrent que Pin’has n’avait jugé Zimri que de façon superficielle. Car, s’il avait vu la profondeur, il se serait aperçu que son intention était bonne et il ne l’aurait pas tué. Comme Pin’has a été influencé par une éducation où on engraisse des veaux, où c’est l’aspect extérieur qui compte, il n’a pas pu juger Zimri que superficiellement et c’est pourquoi, il s’est trompé. Telles était les charges que portaient les Juifs à l’encontre de Pin’has, accordant à Zimri une intention profonde pure.
Mais c’est alors que la Torah relie Pin’has à Aharon.
Aharon correspond à celui qui scrute la profondeur de la profondeur des choses. Seul lui, en tant que grand prêtre, avait le droit de pénétrer dans le Saint des Saints dans le Tabernacle. Il entrait dans le Lifnay velifnim, dans l’intériorité de l’intériorité. Il incarne donc la profondeur la plus authentique. D’ailleurs, cela se retrouve dans son nom même. La lettre du milieu des unités est la lettre Hé (de valeur 5). La lettre du milieu des dizaines est la lettre Noun (de valeur 50). Puisque dans l’alphabet, les centaines vont jusqu’à 400 (Tav), la lettre du milieu des centaines est donc le Rech (de valeur 200). Les lettres du milieu sont donc le Hé, le Rech et le Noun. Si on y ajoute la lettre Aleph qui symbolise l’unité et donc la vraie profondeur, on obtient le mot Aharon. Il symbolise la véritable profondeur, la profondeur des profondeurs.
En reliant Pin’has à Aharon, la Torah veut démentir les accusations des chefs de tribus, qui sous-entendaient que Pin’has, ne se préoccupant que de l’extérieur, s’était trompé en tuant Zimri.
La Torah vient préciser qu’à l’instar de Aharon, Pin’has scrute en fait la profondeur de la profondeur et qu’il avait remarqué que très profondément, Zimri avait eu une intention négative, bien que dans le fond, on aurait pu quand même y déceler une intention positive. C’est pourquoi, il le tua. Pin’has voyait si en profondeur, qu’il avait vu ce que les chefs de tribus n’avaient même pas vu.
C’est la raison pour laquelle, le verset affirma : « Ce sera pour lui et pour sa descendance une alliance de prêtrise éternelle ». Pour qu’un élément se transmette entre les générations, de descendants en descendants, il faut qu’il contienne une réelle profondeur. Quelque chose de superficiel et d’uniquement extérieur ne peut pas se transmettre à travers les générations et ne peut perdurer à travers le temps. Un patrimoine superficiel va en s’estompant. Mais, un héritage vraiment profond peut se perpétuer à travers le temps. Et plus l’héritage est profond, et plus longtemps il existera.
Ainsi, la Torah montre, en précisant que l’alliance de Pin’has sera éternelle, que celui-ci relève d’une profondeur particulière. Cette affirmation a permis de faire taire les accusations contre Pin’has qui le considéraient comme quelqu’un qui ne voit que le côté superficiel des choses.
Si l’alliance conséquente à son acte peut perdurer éternellement, cela est la preuve de la profondeur de son appréhension des choses. Pin’has ne relève pas de l’éducation extérieure de son grand-père maternel, qui « engraissait » les veaux, mais plutôt de l’éducation extrêmement fine de son grand-père paternel Aharon, qui entrait dans le Saint des Saints, dans l’intériorité de l’intériorité.