La Paracha de Behar traite de la Chemita, c'est-à-dire de la jachère. Cette Mitsva est ainsi formulée dans la Torah (Lév. 25 :3) : « Six années tu sèmeras ton champ et tu feras les vendanges. La septième année, se sera une année chômée pour la terre, un Chabbat pour D.ieu, ni tu ne sèmeras ton champ, ni tu ne feras les vendanges ». Une année tous les sept ans, il est interdit de s’occuper de la terre. D.ieu assure que tout celui qui respecte cette instruction recevra la bénédiction divine et la terre donnera ses fruits (Lév. 25 :21).
La Torah introduit cette merveilleuse Mitsva en précisant qu'elle a été édictée sur le mont Sinaï (25 :1). Seulement, on sait bien que toute la Torah a été donnée sur le Mont Sinaï. Les 613 commandements de la Torah nous viennent du Sinaï. Cela pousse à s’interroger. Pourquoi préciser particulièrement que la Mitsva de la jachère a été dite sur le Mont Sinaï ?
A travers les explications à cette question, le sens de la Chemita pourra ressortir plus profondément.
Le Midrash explique que lorsque les Juifs s'apprêtèrent à rentrer en Terre Sainte, la Torah s'est plaint devant D.ieu. Elle l'implora en lui disant qu'à présent que les Juifs sont sur leur terre, chacun irait travailler. La Manne ne tombant plus, il faudrait alors semer, labourer, moissonner… "Que vais-je donc devenir ?" demanda-t-elle. Personne n'aura le temps de l'étudier.
Alors D.ieu lui expliqua qu'Il donnera la Mitsva de la jachère. Pendant une année entière, personne n'aura le droit de travailler la terre. Les Juifs pourront alors se consacrer à l'étude de la Torah.
D’après ce Midrash , la jachère na été donnée que pour se consacrer à la Torah. Et c’est bien sur le mont Sinaï que la Torah a été donnée. C'est pourquoi, cette Mitsva a été associée au Sinaï. C'est que le Sinaï représentant la Torah, fournit une explication à la jachère.
D’autre part, on peut s’apercevoir que la Chemita permet d'encrer dans le cœur de chacun que ce bas monde est constamment soumis à la Providence de D.ieu. La gestion de la terre est soumise à la Volonté de D.ieu, Qui assure malgré le fait que l’on s’abstienne de travailler, Sa bénédiction et Sa Protection particulière. Cette Mitsva aboutissait par là à sortir du cœur des individus la fausse idée selon laquelle il n'est pas de l'honneur du Roi Suprême, résidant dans les Cieux, que de s'occuper de ce bas monde. Bien au contraire, « c'est là où se trouve Sa grandeur que se trouve Son humilité ». « Certes D.ieu est élevé, mais il scrute ce qui est bas » (Psaumes 135 :6).
La preuve la plus claire de cela est que D.ieu a choisi le mont Sinaï pour y donner la Torah. C’est que cette montagne était la plus basse et la plus modeste de toutes, et c'est pourtant sur elle seule que D.ieu a choisi de descendre pour donner la Torah. Cela prouve manifestement que D.ieu s'occupe également de ce qui se trouve ici bas. Le fait que D.ieu ait choisi le Mont Sinaï est la preuve la plus claire qui justifie la Mitsva de la Chemita, qui a pour message que l’Eternel s'occupe même de ce qui concerne la terre et qu’Il gère parfaitement ce bas monde.
D.ieu se « rabaisse » pour s’occuper de ce monde, de même qu’Il s’est « rabaissé » pour donner la Torah sur la plus petite montagne, sur le mont Sinaï.
Malgré tout, la Chemita risquerait d’être bafouée par les Juifs. L’homme risquerait de penser que la Chemita lui occasionnerait des pertes, puisque cette année, ni il ne sème, ni il ne récolte…
En revanche, D.ieu affirme qu'Il ordonnera à Sa bénédiction de se déverser sur celui qui respecte cette Mitsva. En plus du fait qu'il n'y aura pas de perte, cette année de jachère influera la bénédiction sur les six années à venir. En ce sens, la Chemita porte aussi le nom de Chabbat.
C'est qu'à l'image du Chabbat qui prodigue la bénédiction aux six jours de la semaine, la Chemita bénit les six années suivantes. Cette idée selon laquelle l'arrêt et le manque entraînent un surplus de bénédiction se retrouve également à propos du Mont Sinaï. Car, alors que toutes les montagnes "se précipitèrent" et "firent de leur mieux" pour que la Torah soit donnée sur elles, le Mont Sinaï resta à part et ne fit absolument rien, comme le précise le Midrash. Et, c'est précisément pour cela qu'il mérita la bénédiction et la sainteté. De même, à l'instar du Mont Sinaï qui n'a rien fait et que cela a entraîné sur lui la bénédiction, ainsi cette année de Chemita doit être une année où l'on ne fait rien (à l'époque le travail essentiel était celui de la terre), mais qui entraînera pourtant la bénédiction sur toutes les six autres années.
En associant la Chemita au Mont Sinaï, la Torah cherche par là à encourager l’homme à respecter la Chemita, lui demandant de prendre conscience que c’est justement l’absence de travail de cette année, qui entraînera la bénédiction.
De façon plus générale, on peut voir dans la Chemita un contenu global. Cette Mitsva est symptomatique de toutes les autres. Nos Sages enseignent qu'avant le don de la Torah, il existait une "barrière" entre le ciel et la terre, entre le matériel et le spirituel. La sainteté s'opposait absolument à la matière et celle-ci ne pouvait pas encore s'imprégner de sainteté.
Mais, lors du don de la Torah, « Moïse monta vers D.ieu » (Ex. 19 :3) et « D.ieu descendit sur le Mont Sinaï » (Ex. 19 :20). Le bas et le haut se sont reliés et la séparation qui les opposait disparut. Le théâtre de cette réunion fut le mont Sinaï, car c’est sur lui que Moïse monta, et c’est sur lui que D.ieu descendit.
L'objectif que sous tendait cette initiative fut alors d'élever la terre vers le ciel, dans la mesure du possible. A partir de cette révélation, D.ieu ordonna des préceptes qui permettent de sanctifier la terre. Tel est l’objectif de toutes les Mitsvot : empreindre la matière de sainteté.
Ces ordonnances peuvent, de façon plus générale, être caractérisés par la Mitsva de la Chemita,. Elle consistait à ne pas travailler la terre une fois tous les sept ans. De cette façon, On permet littéralement à la terre de se lier à la spiritualité. Les travaux de la terre, ces travaux matériels, cessent pendant la durée d'un an. Alors, la terre est en "Chabbath pour D.ieu". La terre se rattache à D.ieu et s’élève vers Lui. De ce point de vue, la Mitsva de la Chemita caractérise le plus parfaitement l'idée que la terre doit être liée au Ciel. Et c'est bien au Mont Sinaï qu'a été introduit cette idée, lorsque Moché y est monté et que D.ieu y est descendu, d’où l’association entre le mont Sinaï et la Chemita.