Dans la Paracha de Terouma, la construction du Tabernacle est décrite de l'intérieur vers l'extérieur. Ainsi, la Torah commence par traiter de l'arche sainte, puis de la Table, puis le chandelier, pour terminer avec l'extérieur du Tabernacle, la tente proprement dite.

En revanche, dans notre Paracha, lorsqu'on en vient à réaliser concrètement ce Tabernacle, on peut s'apercevoir que les choses sont inversées.

La Torah commence par décrire la réalisation de la tente, avec les poutres et les tentures. C'est seulement après qu'on en vient à parler de l'intérieur du Tabernacle à travers l'arche, la Table et la Menorah. Ainsi, la réalisation externe du Tabernacle précède ici la conception de son intérieur.

Comment se fait-il qu'il y ait un décalage entre la description du Tabernacle dans la Paracha de Terouma, et sa réalisation dans notre Paracha ?

Une autre différence flagrante peut être rapportée. Dans la Paracha de Terouma, seul Moïse est nommé le chef de la réalisation du Tabernacle. Ainsi, toutes les recommandations concernant sa construction lui sont adressées. Par contre, dans notre Paracha, c'est Betsalel et Aholiav qui deviennent désormais les architectes. Pourquoi est-ce que Moïse laisse soudain sa place à de nouveaux protagonistes ?

Maïmonide, dans ses huit chapitres introductifs aux Maximes des Pères, expose une différence entre deux types de personnes dites " religieuses ". Certains sont portés d'eux-mêmes vers les bonnes actions et n'éprouvent plus de tentation pour le mal. Mais il y en a d'autres qui " maîtrisent leurs mauvais penchants ". Ils éprouvent une attirance pour le mal et les mauvais désirs, mais réussissent à se maîtriser et évitent de fauter.

Ces deux niveaux correspondent à la situation d'Adam avant la faute et à sa situation après.

Lorsque D.ieu le créa, il était totalement pur. Il n'avait pas de tentations intérieures. Le mauvais penchant qu'incarnait le serpent était à l'extérieur de lui. Au moment du don de la Torah, les Juifs étaient au même niveau. Ils étaient libérés du mauvais penchant.

Mais, lorsque Adam commit la faute (après sa femme), il introduisit le mal à l'intérieur de lui. A présent, il devait lutter contre le mal.

Cette situation était aussi celle des Juifs après la faute du veau d'or. Le mal les réintégra… Ils étaient réduits à présent à être ce que Maïmonide appelle " ceux qui maîtrisent leurs mauvais penchants " et ses tentations. Ils n'étaient plus ces " pieux ", libérés de toutes tentations.

La Paracha de Terouma se trouve avant la faute du veau d'or. L'intériorité des Juifs était intègre. Il ne restait donc qu'à parfaire et purifier l'extérieur, le mal se trouvant à l'extérieur.

C'est pourquoi, la description du Tabernacle fut de l'intérieur vers l'extérieur. Car le Tabernacle symbolise la situation des Juifs.

Mais, après la faute du veau d'or, la situation fut différente. Le mal s'intériorisa. A présent, pour pouvoir purifier son intérieur et faire naître le désir pour la sainteté, il fallait avoir recours à des moyens extérieurs. Il fallait provoquer l'élan religieux, qui n'était plus inné. Cet élan devait être acquis par des efforts. Il fallait commencer par passer par des moyens extérieurs, faire " semblant " d'avoir de l'enthousiasme pour les Mitsvot. Et en final, cette simulation parviendrait peut-être à devenir réelle.

C'est le mouvement extérieur qui éveille un mouvement intérieur. C'est ainsi que par exemple, si l'on veut égayer une personne profondément triste, il faudra lui jouer devant lui de la musique, l'attirer dans des danses, plaisanter avec lui. Peut-être qu'avec tous ces artifices, il en viendra à se réjouir véritablement.

De la même façon, du point de vue religieux, un Juif qui se sent indifférent et éloigné ne pourra pas ressentir de l'ardeur pour le judaïsme instinctivement. Tout d'abord, il faudra qu'il use de moyens qui semblent extérieurs. Il pourra se forcer à assister à des cours de Torah, il pourra se rendre régulièrement à la synagogue, s'habituer à mettre les Tefilin…

Et petit à petit, toutes ces actions superficielles finiront par le pénétrer. Car l'habitude finit par devenir une seconde nature.

Désormais, il fallait tout d'abord réaliser l'extérieur du Tabernacle pour ensuite en venir à son intérieur.

Au moment de la faute du veau d'or, Moïse n'était pas sur terre. Il n'était donc pas tellement concerné par cette faute. Si les Juifs n'avaient pas fauté, Moïse aurait pu réaliser ce Tabernacle, qui aurait été à leur niveau, au niveau de Moïse. Ce Tabernacle aurait pu être réalisé de l'intérieur vers l'extérieur.

Mais, comme les Juifs ont fauté, la besogne a été transférée à Betsalel. Les Juifs ne méritaient plus un Tabernacle au niveau de Moïse. A présent, ce devait être un Tabernacle conçu par une personne concernée d'une certaine mesure par la faute (même s'il ne l'a bien sûr pas commise). En ce sens, Betsalel et Aholiav pouvaient réaliser un tel Tabernacle : de l'extérieur vers l'intérieur.