On a déjà
beaucoup parlé de la manière négative dont Mel Gibson présente
les Juifs dans son dernier film, de l'antisémitisme de son père,
négationniste notoire, des erreurs historiques contenues dans "La
Passion du Christ", relevées par un protestant épiscopalien,
Jon Meecham, dans "Newsweek", de l'engagement personnel de Mel Gibson
dans cette entreprise (c'est sa propre main que l'on voit sur l'écran
enfoncer le clou dans la main de Jésus lors de la crucifixion)
Les réactions dans
les milieux juifs américains ont été particulièrement
vives, à commencer par celles d'Abraham Foxman, directeur national de
l'Anti Diffamation League et du rabbin Marvin Hier dans le "Los Angeles
Times". Tous deux s'indignent de la manière dont les Juifs sont
dépeints :cruels, vindicatifs, et toujours filmés dans une pénombre
qui accentue la noirceur de leur nature, alors que le Christ et ses disciples
sont filmés en pleine lumière.
En Israël, en revanche,
le film n'a pas suscité beaucoup de protestations officielles. Je n'ai
relevé pour le moment que la réaction du Patriarche orthodoxe
de Jérusalem qui s'est déclaré choqué par le film,
et celle du grand rabin ashkénaze, Yona Metzger, qui a écrit au
Pape Jean-Paul II (qu'il avait rencontré à Rome le mois dernier),
pour lui demander que l'Eglise prenne position contre tout antisémitisme
que pourrait véhiculer le film. Le rabbin Metzger, dans sa lettre, met
l'accent sur les développements positifs qui s'étaient produits
dans l'Eglise Catholique à la suite de la publication de l'Encyclique
"Nostra Aetate" (En notre temps) dans laquelle le Vatican déplorait
l'antisémitisme sous toutes ses formes et désavouait la notion
de "peuple déicide" qui faisait du peuple juif le meurtrier
de Jésus.
Précisons que pour le moment, le film n'a pas encore trouvé de
distributeur en Israël. Shapira Films qui distribue habituellement les
films de Icon Production (la maison de production de Gibson) a décliné
l'offre sans donner les raisons de sa décision. La commission de censure
de l'Office cinématographique israélien n'a pas encore visionné
le film et réserve donc son jugement. Le dernier film que la commission
avait interdit était "Jenin, Jenin" en 2002, mais la décision
avait été annulée par la Cour Suprême. Auparavant,
le film de Martin Scorsese "La dernière Tentation du Christ"
avait été interdit en 1988.
La directrice de la Cinémathèque
de Jérusalem, Lia Van Leer, estime que le film devrait être projeté
et que le public est capable de juger par lui-même : "si le monde
entier peut voir ce film, il est important que nous sachions ce qui se passe
autour de nous". La Cinémathèque pourrait envisager une projection
dans le cadre d'un débat ou d'une conférence.
Jérusalem, le 2 Mars 2004