La Paracha de cette semaine traite des dernières plaies qui clôturèrent la série de fléaux qui devaient s'abattre sur l'Egypte pour aboutir à la sortie des Hébreux d'Egypte.
Puis, la Torah évoque la Mitsva (le commandement) d'offrir l'agneau pascal et de célébrer la fête de Pessa'h qui, comme son nom l'indique, fait échos au verset : " Je sauterai (PASSA'Hti) au dessus de vos maisons et le destructeur n'agira pas sur vous, lorsque Je frapperai l'Egypte " (Exode 12 : 13). Le saut est un élément fondamental dans le processus de la libération d'Egypte.
Une autre étape devait accompagner la sortie d'Egypte. Il s'agit de la réalisation de la promesse que D.ieu avait fait à Abraham : " Ils sortiront avec de grandes richesses " (Exode 15 :14). Pour ce faire, D.ieu dit à Moïse, tout au début de sa mission, " Lorsque vous quitterez l'Egypte, vous ne partirez pas les mains nues. Chaque femme empruntera à sa voisine et chaque homme à son voisin, des ustensiles en argent et en or " (Exode 3 : 21, 22).
La sortie avec les biens des égyptiens faisait partie du programme divin. D'ailleurs, notre Paracha concrétise cette promesse puisque D.ieu demanda à Moïse d'implorer les Hébreux d'emprunter aux égyptiens leurs biens (Exode 11 :2). Certes, au départ, ce ne fut qu'un emprunt, qui devait être rendu par la suite. Malgré tout, lorsque plus tard, les égyptiens poursuivirent les Hébreux pour leur mener la guerre et les ramener en Egypte et qu'ils moururent grâce à l'intervention divine, à ce moment là, ces biens empruntés devinrent possession juive. Telle est la conséquence habituelle d'un échec militaire. Le butin du perdant revient au vainqueur (Sforno sur Exode 3 : 22).
Pourquoi l'emprunt était-il nécessaire ?
Mais, on peut s'interroger. Pourquoi fallait-il que dans un premier temps, les Hébreux " empruntent " les biens égyptiens, de sorte que seulement après la traversée de la Mer Rouge, ces biens leur reviennent de droit ? Pourquoi ces biens ne leur furent pas accordés depuis le début ? Surtout que lorsque les Hébreux empruntèrent des égyptiens, ils n'avaient pas l'intention de leur rendre ! Cette imperfection aurait pu être totalement évitée si le transfert de bien ne s'était pas fait sous la forme d'un " emprunt ". Pourquoi l'emprunt était-il nécessaire ?
D'autre part, Rachi (sur Exode 11 :2) explique pourquoi D.ieu demanda à Moïse d'implorer les Hébreux d'emprunter aux égyptiens. C'est que D.ieu ne voulait pas avoir de contentieux avec Abraham. Celui-ci aurait pu protesté : " Alors que Tu a réalisé l'esclavage, Tu n'as pas réalisé la sortie avec de grandes richesses ! "
Mais même cela est surprenant. Peut-on imaginer que D.ieu n'ait décidé de tenir Sa Parole et d'octroyer une grande richesse aux Hébreux, uniquement de crainte qu'Abraham ne proteste, et que sinon D.ieu n'aurait pas réalisé Sa promesse ? Cela est bien sûr impossible ! D.ieu est Vérité et une promesse est irrémédiable.
Enfin, le septième jour après la sortie d'Egypte, les Hébreux se retrouvent devant la Mer Rouge. Alors, D.ieu ordonne aux flots de s'ouvrir. Le Midrash Yalkout Chimoni, au commentaire 234, raconte à ce propos que le Satan, l'ange du mal, se plaignit devant D.ieu. Il lui dit que les Hébreux, au même titre que les égyptiens, ont adoré des idoles et ne méritent donc pas qu'on leur fasse des miracles. D.ieu lui répondit que leur idolâtrie n'était pas volontaire. C'est la souffrance de l'esclavage qui les y avait menés.
On peut se demander pourquoi c'est juste au moment de l'ouverture de la Mer Rouge que le Satan porta son accusation, et non lors des plaies, lorsque D.ieu réalisa aussi de merveilleux miracles en faveur du peuple d'Israël. Mais alors, le Satan s'est tu et n'a pas protesté. Pourquoi donc ?
La réponse à ces interrogations apparaîtra après avoir déterminé le niveau spirituel des Juif, au moment où ils devaient être libérés.
Nos Sages nous montrent qu'il était au plus bas. Ils avaient déjà atteint les 49 portes de l'impureté. La cinquantième aurait été fatale. Ce serait le point de non retour. D'ailleurs, commentant le verset du Cantique des Cantiques au premier chapitre : " Je suis noire mais belle ", le Midrash dit que cela fait référence au peuple Juif au moment de leur sortie d'Egypte. Il était alors " noir " par ses actions, mais " beau ", grâce aux mérites de ses ancêtres. Le Midrash rapporte aussi un enseignement de Rabbi Juda, qui disait que si D.ieu devait considérer le mérite du peuple Juif, il ne serait alors jamais libéré d'Egypte. Seul le mérite de ses ancêtres lui permit d'être sauvé.
D.ieu devait "sauter" et passer outre la situation actuelle du peuple Juif.
C'est pourquoi, D.ieu devait " sauter " et passer outre la situation actuelle du peuple Juif. Tel est le sens du verset : " Je sauterai sur leur maison ", en référence à quoi la fête s'appelle Paques. C'est que tout le sens de la sortie d'Egypte n'existe qu'à travers le " saut ". D.ieu mis de côté le niveau des Hébreux pour les délivrer. D.ieu éleva le peuple Juif de leur humble niveau à un degré élevé qui fut celui requis pour la délivrance. D.ieu les a élevés rapidement et les a sanctifiés gratuitement, pour pouvoir les sauver. Mais, par la suite ce niveau leur sera retiré pour qu'ils y arrivent de nouveau, cette fois-ci par leurs propres efforts.
C'est par rapport à ce merveilleux niveau spirituel qui leur fut " prêté " pour l'occasion de la sortie d'Egypte qu'il fallait utiliser des objets qui allaient également leur être " prêtés ". C'est que chaque Juif dispose des moyens nécessaires pour mener à bien sa mission.
Le but de la descente des Hébreux en Egypte était de se purifier et de se raffiner. C'est pour cela que l'Egypte est aussi appelé " le creuset du fer ". A l'instar d'un creuset qui permet de purger et de purifier le fer des scories, ainsi le passage des Hébreux en Egypte devait jouer un rôle purgatoire et purificateur. Mais, ils n'atteignirent pas ce niveau jusqu'au moment de leur sortie. C'est alors que ce degré leur fut prêté pour qu'ils soient délivrés.
Comme les Hébreux connurent une délivrance liée à un niveau " emprunté ", les biens qui les accompagneraient furent aussi des biens empruntés.
S'ils avaient rempli conformément leur mission, ils auraient alors mérité de quitter l'Egypte avec de grandes richesses, avec des biens qui auraient été exploités de façon optimale et qui leur reviendraient donc de droit. Mais, comme les Hébreux connurent une délivrance liée à un niveau " emprunté ", les biens qui les accompagneraient furent aussi des biens empruntés. Par leurs propres vertus, ils ne les méritaient pas.
Lorsque D.ieu annonça à Abraham que ses descendants descendraient en Egypte, c'était pour y réaliser la fameuse mission évoquée plus haut : se purifier. Grâce à leurs efforts, ils mériteront de sortir d'Egypte " avec de grandes richesses ", des richesses méritées par le travail spirituel accompli en amont. Mais, comme les Hébreux n'effectuèrent pas leur tâche comme il se devait, la promesse de la grande richesse n'avait donc plus de sens. C'est pourquoi, D.ieu ne leur accorda la richesse égyptienne que par égard à Abraham.
Notre patriarche Abraham est caractérisé comme étant l'homme de bonté. C'est celui qui donne et prodigue à tous et même à ceux qui ne le méritent pas. Abraham pouvait exiger que même si rigoureusement, les Hébreux ne méritent pas la grande richesse, du point de vue de la bonté, il fallait quand même la leur octroyer. Mais, une fois que les Hébreux furent les récipiendaires de cette délivrance " prêtée " et des biens " prêtés ", ils purent alors cerner ce que l'on attendait d'eux. Après que ce fabuleux niveau spirituel leur sera retiré, ils pourront alors, par leurs propres efforts s'y rapprocher.
C'est dans ce sens que Pessa'h est aussi appelé Chabbat, comme il est dit : " Vous compterez à partir du lendemain du Chabbat …, sept semaines pleines " (Lévitique 23 :15). Or, il s'agit des sept semaines du Omer débutant le lendemain du premier jour de Pessa'h.
La différence entre la sainteté de Chabbat et celle des jours de fête, c'est que le Chabbat est sanctifiée directement par D.ieu. Les hommes n'ont pas leur contribution à apporter. Tous les samedis sont fatalement imprégnés d'une certaine sainteté. En revanche, les jours de fête sont sanctifiés par les hommes. C'est le tribunal rabbinique qui décidait, en fonction de la fixation du début du mois, du jour où on célébrait la fête.
A l'image de la sainteté de Chabbat, les Hébreux furent délivrés d'Egypte par un cadeau de D.ieu. Ils n'y parvinrent pas par leurs propres mérites. C'est D.ieu qui les éleva et les immergea dans une intense sainteté. Il " sauta " sur leur situation. C'est pourquoi, Pessa'h est appelé Chabbat.
Mais, " le lendemain du Chabbat ", après Pessa'h, D.ieu leur ôta ce niveau. Il faudra alors commencer à compter les 49 jours, où chacun d'entre eux sera un progrès vers le sommet.
C'est au début de cette nouvelle période de préparation que les Hébreux se retrouvèrent devant la Mer Rouge. C'était alors le moment d'acquérir définitivement, par ses propres efforts, ces fameux biens qui n'étaient jusque là qu'" empruntés ".
Mais alors, le Satan intervint devant D.ieu, montrant la bassesse des Hébreux, les privant du mérite de bénéficier du miracle. Les miracles réalisés en Egypte s'insérèrent dans un cadre de bonté divine. Alors, le Satan n'avait pas d'arguments montrant l'indignité des Hébreux, puisque D.ieu ne s'intéressait pas à leur situation véritable et qu'Il opéra un " saut ". Mais, lorsque les Hébreux se sont retrouvés devant la Mer Rouge, les repères changèrent. C'était le mérite des Hébreux qui valait à présent. Maintenant que l'approche gratuite de D.ieu fut abrogée, le Satan pouvait saisir l'occasion de montrer la nudité spirituelle des Hébreux. C'est qu'à présent, c'est le mérite personnel qui compte pour être sauvé.
D.ieu répliqua au Satan que si les Hébreux ne purent s'élever spirituellement en Egypte, c'était à cause de l'intensité de l'esclavage. Mais que profondément, ils ont les capacités d'atteindre le niveau escompté. C'est ainsi que D.ieu réussit à faire taire les accusations du Satan.
(D'après un discours du Rabbin Mardochée Miller, responsable de l'académie talmudique de Gateshead, en Angleterre, au XXe siècle)